Il a des rêves de concierge, des joies d'épicier, des chaînes
d'esclave.
Il est frileux, il est fragile, il tremble, il bêle et il obéit.
Il a peur du loup, il a peur de l'eau, il a peur du noir.
Il fuit la pluie qui le mouille tellement. Se fige sous les flocons de
neige qui le frigorifient tant. Evite les courbes et les fantaisies qui le
contrarient quand même beaucoup car il préfère filer droit sans faire de
vagues...
En tous les domaines il fait preuve d'un esprit hautement commun.
Lui, il carbure naturellement à l'ordinaire. Il faut dire que dans le
genre, on ne fait pas mieux ! C'est même là qu'il est au top du top. Un concept
vieux comme le monde, indémodable, inusable qu'il affectionne
particulièrement.
La prise de risque pour lui équivaut à une perte de son identité grégaire.
Farouchement attaché à ses convictions conformistes, il est hors de question
qu'il quitte ses sentiers balisés !
Il est vraiment à la pointe de la norme.
Champion de la docilité individuelle et collective, il est fier de
ressembler à tout le monde et ne cherche qu'à singer les autres, quoi qu'ils
fassent. Suivre le troupeau où qu'il aille, c'est son credo.
Il s'impose le port obligatoire du masque à la moindre alerte de grippette
en vogue, s'enquiert consciencieusement des prévisions météorologiques avant de
sortir se promener, se calfeutre impérativement chez lui à la première
recommandation officielle pour quelques pollens dans l'air ou pour un coup de
vent inhabituel. Dans la rue il ressemble à un zombie, absorbé par son écran portable. Au volant, il s'engouffre dans les embouteillages et patiente sans broncher des heures durant comme un gros pion qu'il est, placide, résigné, amorphe. Voire pire : tout souriant.
Le point culminant de sa vie, c'est lorsqu'il se fait tondre.
Autant dire quasiment tous les jours de sa paisible existence. Il n'y a que
dans ces moments de choix ou il est totalement heureux. Là est sa raison d'être,
l'apogée de ce pourquoi il est sur Terre, sa plus grande gloire ici-bas, ne
sachant rien faire d'autre que de marcher vers l'abattoir en communion sacrée
avec ses frères.
Tous pleins d'amour et de laine.
Le mouton ce n'est pas moi, ce n'est pas celui que vous croyez, ce n'est
pas votre voisin que vous désignez d’un sourire moqueur, non.
Le vrai bêlant, vous ne le voyez jamais en réalité parce que vous avez sans cesse le nez tout près de son visage. Il est devenu bien trop proche de vos yeux. Manquant de recul, vous l'avez depuis longtemps perdu de vue.
C'est tout simplement vous-même.
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