La mère Lalouche, vieille veuve féroce, avare, bornée, impitoyable envers
les faibles, dure avec les forts, radicalisée contre son siècle, très
conciliante envers elle-même, est une redoutable tueuse d'espoir.
Avec elle, même le plus innocent des gamins n'a aucune chance face à ses
crachats de fiel. Pas une femme, qu'elle soit féministe modérée ou championne de
la vertu, ne résiste à ses flèches moralisantes. Aucun homme ne peut sortir
indemne d'une banale discussion : elle s'ingéniera à le dénigrer, cherchant chez
lui la moindre faille pour s'attaquer à son honneur, à ses oeuvres, à son
physique.
Janséniste au tempérament d'inquisiteur, extrémiste des causes les plus
insupportables, sa pensée rigoriste est d'une rigidité absolue. Ses idées
austères et ses sentiments venimeux ne l'empêchent nullement de posséder un sens
humoristique développé. Volontiers versé dans l'horrible.
Son goût inné pour le macabre, son sens aigu de la dérision à l'égard de
toute victime du sort, ses allusions morbides à la mort révolte quiconque
l'écoute.
A ses yeux ce ne sont là que des "détails", des "insignifiances", des
"bagatelles", incapable de concevoir qu'on puisse en être choqué.
Ce qui pour les autres apparaît comme des horreurs verbales ne sont pour
elle que paroles anodines.
Ses références ordinaires sur la plupart des sujets dépassent les normes de
l'acceptable du plus endurci des cyniques. Le pire selon les autres représente,
de son point de vue, le meilleur...
Experte dans le maniement des mots blessants, elle a un talent indéniable
pour briser en une ou deux phrases concises toute une vie de rêves, réduire à
néant une existence de sacrifices, couvrir les âmes les plus intègres, les plus
nobles, de flots d'injures.
Et ce, afin de bien mortifier ceux à qui sont destinés ses avis personnels,
jugements subjectifs qu’elle considère comme vérités éternelles.
Le soir elle s'endort avec la candeur d'un enfant, le coeur léger, la conscience nette, l'esprit apaisé. Désolée que le monde soit si imparfait mais néanmoins heureuse des lendemains qui chantent, elle plonge avec délectation dans ses songes sombres et lumineux, sinistres et sublimes.
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