Quand il part, c'est toujours loin. Et cher.
Le voyageur est un pigeon.
Un gogo.
Il va chercher à l'autre bout du monde les trésors qui sont pourtant juste
à côté de lui, à portée de main.
Le globe-trotteur est sot, ignorant, superficiel. Il croit trouver mieux
ailleurs quand il a tout chez lui.
Il quitte son voisin qu'il connaît très bien pour aller prendre contact
avec des inconnus qui ne parlent même pas sa langue, pensent autrement que lui,
n'aiment pas ce qu'il aime, mangent des mets infâmes... Troque son toit de
sérénité pour un lit de camp sous un ciel d'orage. Brise ses habitudes formelles
pour des aventures incertaines. Prend le risque de casser sa routine pour
peut-être ne plus jamais la reprendre. Se hasarde à découvrir de nouveaux
horizons pour possiblement ne plus revoir sa plaine, son clos, son jardinet...
S'expose volontairement aux dangers pour s'échapper de son paradis
quotidien...
Quelle ânerie !
Ingrat envers le sort, lassé de sa vie tranquille, il pense qu'il
s'approchera un peu plus du Soleil en s'éloignant de ses terres.
Il est persuadé que le bonheur est à l'étranger. Là-bas, vaguement... Au-delà
de ses frontières. Hors de sa maison. Aux antipodes de ses racines...
Mais certainement pas sur le sol qui l'a vu naître !
Mécontent de ses jours heureux, fatigué de la lumière au-dessus de sa tête,
blasé de son herbe verte, l'itinérant part à la découverte de la boue, d'aubes
aléatoires et d'obscurités moins fructueuses que celle de sa cave où se
bonifient des vins sans prix...
N'atteignant jamais les chimères après lesquelles il court, il les poursuit
sans cesse, incapable de s'arrêter. Jusqu'à ce qu'il n'ait plus d'argent. Alors
il revient chez lui, les poches vides, les idées creuses, le coeur plus pauvre
qu'hier.
Il s'imagine s'enrichir intérieurement en vagabondant autour du globe et ne
s'aperçoit même pas qu'il se fait plumer au cours de sa progression ! Ceux qu'il considère
comme ses amis indéfectibles, croisés sur sa route d'oiseau migrateur, ne sont
à la vérité que des opportunistes aux sourires strictement commerciaux, rien que de vils
vendeurs de dépaysements hautement tarifés...
Qu'il est naïf, ce volatile de grands chemins !
Bref, l'explorateur des vacuités humaines met en péril son existence bien
établie pour de passagères et coûteuses ivresses en toc qui ne le mènent finalement
nulle part, sinon dans une fuite sans fin, sans but, sans autre profit qu'une
éternelle insatisfaction.
Celui qui se prend pour un baroudeur au front tanné par tous les vents de
la planète, un nomade des aéroports au regard chargé de rêves, un pèlerin aux semelles blanchies de poussière n'est
en réalité qu'un vulgaire, insignifiant et stupide touriste.
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