En ce point aussi dérisoire que fabuleux nommé Clinchamp, un espace
improbable hors de nos conceptions communes et qui constitue un trou
d'insignifiance au centre de toutes les attentions, un sommet d'anonymat nimbé
de gloire, une terre crottée brillant en plein ciel, sachez que la bouse rejoint l'azur et
le sabot côtoie les nuages, car tout ce qui pèse là-bas est doté d'ailes.
En effet, la moindre lourdeur, paradoxalement, s'y allège jusqu'au sublime
tant l'air est chargé d'amère poésie, le paysage plombé d'âpre onirisme, le
crépuscule embrumé de charme obscur.
Dans cette sphère lointaine peuplée de figures légendaires, de réalités furtives, de vaches statiques, vous vous égarerez dans des chemins aussi déserts que prometteurs, traverserez des champs de souvenirs immémoriaux, poursuivrez des horizons de marbre aux formes éthériques, vous coucherez dans des fossés lumineux pour sombrer dans un sommeil galactique.
Votre voyage sera fatalement vertical.
Et votre rêve se chaussera de galoches, se vêtira de mélancolie, se blanchira d'étoiles. Il aura le brouillard pour compagnie et s'éclairera de la morne chandelle lunaire. Il vous emmènera aussi proche que possible de l'humus et de ses sobres secrets, à deux doigts de vos semelles boueuses, jusqu'au coeur de ces trésors humbles que vous ne voyiez jamais auparavant.
L'évasion se fera à partir de la simplicité, juste à côté de la modestie. Tout en haut de vous-mêmes.
Loin de vos villes, de vos fracas, de vos futilités.
Délestés de vos artifices, vous vous réveillerez aussi subtils que des plumes.
Et tels ces oiseaux qui voltigent dans les nues de Clinchamp en y faisant des signes immenses et énigmatiques, vous laisserez dans l'océan de vos âmes quelques lignes éternelles de ce séjour au royaume des bouseux.
Une page trouble, entre aube et rosée, écrite à l'encre du mystère.
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