A Clinchamp les bois ne sont pas très hauts mais les rares bûcherons qui
travaillent là-bas sont bien costauds ! Et surtout, très spéciaux, hors des
normes, pas comme les autres.
Il faut dire que les superficies sylvestres sont vastes sous ce ciel reculé
de la Haute-Marne, même si les arbres n'ont rien de vertigineux. Comme tout le
reste autour de ce village, d'ailleurs... Ce qui est remarquable précisément,
c'est que les points culminants de ces terres à échelle ordinaire se situent à
l'horizontale, non à la verticale : c'est l'infini que l'esthète perçoit en
premier lieu à travers les brumes du quotidien, fort paradoxalement.
Tandis que l'homme médiocre ne verra qu'une impasse derrière ces opaques
apparences.
Ni le clocher, ni aucun toit, ni rien d'égal ne domine ce royaume dénué
d'éclat.
Seuls les espaces boisés s'imposent dans le lointain. Ils représentent les
profondeurs obscures, inquiétantes, captivantes, quasi mystérieuses, de ce monde
à part.
L'ultime refuge de la modernité.
Une sphère d'évasion, un recoin d'oubli, un asile d'ombre et de silence, le
but d'un voyage radical vers la simplicité, l'essentiel, le rêve.
Aussi dans ce contexte particulier les porteurs de haches incarnent-ils des
sortes d'argonautes de la cambrousse s'enfonçant dans les voies les plus
secrètes de la forêt.
Ils ressemblent à des oracles en sabots, à des ogres subtils, à des
explorateurs oniriques en quête de trésors suprêmes, loin des artifices
clinquants de la ville, pétris d'un idéal virgilien proche de leurs semelles, à
portée de leurs pognes...
Animés par la flamme sacrée de leur métier, ils contribuent au bonheur
local. Avec modestie, mais ayant néanmoins conscience d'oeuvrer pour la cause
vénérable, ils récoltent l'humble combustible végétal qui, après coupe et
séchage, ira flamboyer dans l'âtre des villageois, illuminant leur foyer et
réchauffant leurs jours d'hiver...
Ce qui, finalement, réjouira leur coeur simple.
Voilà qui suffit à faire de ces travailleurs de la sylve d'augustes
légendes enracinées parmi le peuple des feuillus, tels des demi-dieux vaquant à
leur besogne dans leur étrange olympe de verdure.
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