Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy
En la voyant vous pensez que de ses yeux d'azur elle vous regarde avec
aplomb. Mais non, ce n'est pas vous qu'elle fixe ainsi de ses prunelles de
plomb.
Elle jette plutôt ses flammes sur le peintre qui est en train d'étaler son
image sur la toile.
Son image, c'est-à-dire son âme.
Entre ce visage et le virtuose qui le reproduit sur la surface blanche et
lisse de son support, c'est une longue histoire.
Mais dans cette affaire c'est le maître des apparences qui a de toute façon
le dernier mot. C'est lui qui dirige, décide, met en forme.
Au fil de son pinceau il révèle les pensées de son
modèle. Touche après touche, couleur après couleur, mêlant habilement ombres et
clartés.
Il lui donne vie.
Cette ingénue sort donc de l'invisible, peu à peu. L'artiste la fait
apparaître sur son tableau, fidèlement. Sans autre fard que le réel. Avec toute la crudité et la subtilité de
son talent, il la met en scène à l'intérieur de son cadre. Et c'est là
précisément que, paradoxalement, elle surgit avec éclat dans notre monde : sublimée, embellie,
plus vivante que nature.
Alors, bien campée dans son rôle de sujet central, elle joue son propre
jeu.
Elle exécute son numéro, se donne en spectacle, se pose en star.
Bien à sa place derrière le chevalet de son créateur qui la dévoile, elle
fait ce qu'on lui demande de faire : la potiche.
Tout simplement. Mais merveilleusement.
Elle excelle en cela.
Par la magie de l'Art, elle accède à la réalité, à portée de votre vue.
Elle est là, sous le feu votre oeil scrutateur : c'est vous qui la sondez
finalement de votre lumière introspective, pas elle.
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