En mars les averses traversent mon coeur avec heurts dans un fracas
de haricots.
Des casseroles entières de cette eau aiguë comme des lames se
déversent dans ma cervelle allumée. L’onde de la saison tranchée est une soupe
glacée au goût âpre et vert de terre et de lune mêlées.
De ces flaques de pluies surgissent des horizons flous, des clartés
incertaines, des mers profondes, des brumes éclatantes.
Images sévères de flammes lointaines et frigides. Et je me laisse
emporter avec délices dans cet azur de grisailles et d’écume céleste issu du
caniveau.
Alors ma mélancolie naît d’un mélange de vapeurs. L’une issue de la
cuisson des artichauts, l’autre constituant certains nuages aussi blancs que la
neige.
En ce mois des germinations tout est en ébullition dans mon potiron.
Ma coquille est pleine des flots tristes mais féconds qui dans une même chute
suprême et universelle humectent le sol où glisseront bientôt les escargots
dans la mollesse et la sérénité de leur soleil liquide aux rayons aqueux. Les
pieds dans l’eau, les pensées en l’air, je me noie dans mars comme je me
noierais dans un océan sans sel, sans chaleur, sans couleur, mais avec des
vagues qui ressemblent à des oiseaux.
Dans les sillons creusés par les douches frigorifiantes de mars,
des ruisseaux se forment. Vifs et argentés. Et à travers ces tourbillons de joie
à basse température des visages apparaissent et me parlent de choses
mystérieuses, d’espaces infinis, de hauteurs incommensurables, de mondes
étranges, de beautés nouvelles, de fromage à faire fondre sur mes
artichauts.
Et c’est sur cette évocation alimentaire que mon spleen si doux se
transforme en sinistre tristesse.
Mais très vite, du fond de ce gouffre de molécules matériellement
nourricières, je parviens à prendre appui pour mieux remonter jusqu’à l’éther de
l’esprit. Tel est le miracle de mars.
Mars est devenu pour moi le plus morose, le plus riche, le plus
redouté, le plus attendu, le meilleur et le pire mois de l’année. Avec ses
séductions froides et pénétrantes comme des silex, il a détrôné les chaudes,
chatoyantes, écoeurantes douceurs de septembre.
Désormais je prends racine dans les rigoles de fin
d’hiver.
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https://rutube.ru/video/8668856ab5fb21ea46e1898dc773b094/
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