A la saison chaude en pleine nuit des hôtes impromptus s'invitent parfois
dans ma cellule.
Il s'agit de papillons nocturnes attirés par les lumières de ma geôle. Ils
tournoient joyeusement autour des lampes en m'apportant en même temps l'air du
dehors. Je les observe, pensif. En pénétrant dans cette prison pour y virevolter
juste sous mon plafond, ils se retrouvent finalement captifs des ampoules
électriques.
Leur fascination pour ces clartés artificielles finissent par les perdre.
Au petit matin ils agonisent au sol, brûlés par ces feux factices qui demeurent
allumés en permanence.
Trompés par ces leurres, ils viennent de loin pour mourir pitoyablement
sous ces flammes impassibles. Séduits par les promesses de ces faux soleils, il
ne subsiste bientôt plus rien d'eux que des corps épars aux ailes brisés.
Et moi je m'amuse à compter les morts. J'arbitre cette sempiternelle
guerre, aussi vieille que le monde, entre les noctuidés et les chandelles. Un
combat inégal où les assaillants restent systématiquement sur le carreau.
Conquérants de chimères qui depuis le début de la Création, succombent à leurs
faiblesses. Innocentes victimes de leur idéalisme qui cherchent des fleurs et ne
trouvent que des braises... Naïves natures volantes tuées par des simples
mirages.
Le drame est à la mesure de mon univers étriqué.
Douce folie des passions obscures logées dans ces coeurs minuscules et qui
se heurtent au mur gigantesque et inébranlable d'une réalité de pierre... Sort
cruel de ces pauvres créatures ailées qui tombent une à une pour avoir tenté
avec ces astres illusoires la grande aventure de la vie, de l'amour et du
Cosmos...
Leur voyage se termine invariablement plus bas que terre, là dans ce trou
où moi-même je croupis. Un peu comme si nous partagions le même destin.
Elles gisent à mes pieds. Leur histoire est finie.
Les restes de ces intrus venus du ciel disparaîtront dans la fange de mes
toilettes.
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