Le temps n'existe pour moi que pour se consumer dans la solitude de ma
cellule. Il passe et meurt sur ma vie perdue.
Comme ces bulles d'air vouées au néant remontant du fond des marécages, mes
journées ternes et creuses d'âme stagnante n'intéressent personne.
Les jours de mon existence de détenu naissent tristement le matin et
s'éteignent bêtement le soir. Tous semblables, anonymes, pleins de grisaille,
ils remplissent invariablement ma réalité de leur inutile pesanteur. Avec eux
l'effroyable aventure de l'ennui est assurée et mon sort scellé à jamais.
Ces grandes ombres composées de vingt-quatre plombes m'engloutissent
trois-cent-soixante-cinq fois par an dans un gouffre dénué de surprise : je sais
que cette impasse de longue durée me mènera, sans dévier une seule fois,
directement dans ma tombe. A chaque aube qui se lève, j'entreprends une
expédition vers un nulle part lointain, un ailleurs bouché, un horizon
barré.
Le pire de tous voyages.
Mon quotidien aux promesses de morne calvaire me tue sans bruit. J'effectue
une marche interminable sur un chemin de crachin. J'avale le poison lent des
heures mortes avec la régularité des horaires carcérales. Même le pauvre hère
égaré, totalement esseulé dans son monde de froid et de pluie, a plus de
perspectives que moi : il ignore l'issue de sa route et peut se permettre de
s'attendre à de potentiels virages, à d'éventuels sommets, à de possibles
rencontres, tandis que je connais mon destin à l'avance : condamné à la
routine.
Privé d'imprévu, avec l'interdiction de tourner et dans l'obligation de
suivre une ligne droite, je me dirige pas à pas, année après année, en
direction du trou final qu'est en train de creuser la pierre écrasante des
lendemains vides de joie.
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