Depuis ma cellule où je suis censé me faner, me fossiliser et disparaître
peu à peu, la pluie devient un spectacle à part entière, un passe-temps la fois
anodin et merveilleux qui vaut un feu de cheminée, un théâtre grandeur nature où
se joue un des grands numéro de la Création.
Là, au seuil de ma fenêtre de reclus à perpétuité, l'onde qui mollement
tombe sur le sol de la cour, loin de m'ennuyer ou de me désespérer, me berce et
m'apaise. Ces flots de mélancolie s'abattant sur le monde me font voyager dans
un univers qui pourrait paraître banal au premier abord. En réalité ce qui se
passe dehors s'avère prodigieux : l'humidité du ciel rejoint les germes de la
terre pour une union féconde.
Je me projette alors dans cet océan aérien plein de fraîcheur. Je vogue
dans cet espace où dans le mystère des hauteurs la légèreté croise la fluidité
pour se transformer en une vaste averse. L'eau se déverse des toits de la prison
et se répand sur le ciment pour y former d'amples flaques. J'essaie d'apercevoir
les nuées à travers leur reflet..
Le chant régulier et monocorde de la douche céleste m'emporte sur ses ailes
mouillées.
Les mains posées sur les barreaux, je contemple à l'extérieur la morne
féerie des éléments. Et je vois les heures filer une à une devant moi, mais
cette fois avec le poids du temps perdu en moins. C'est toujours cela de gagné :
un peu de grâce venue soulager la lourdeur de ma condition...
Mon âme s'envole vers les nuages, je me trouve hors de ma geôle,
m'imaginant à présent avoir les pieds dans la flotte.
Mais bientôt la douce illusion ne m'enchante plus.
Je demeure bien au sec en vérité derrière ces murs où je commence à
sangloter. Maintenant je ne regarde plus que le
vide.
Seuls mes yeux sont trempés.
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