L'aube se lève, l'ampoule électrique de ma cellule reste allumée.
En aucun cas elle ne s'éteint. Jusqu'à ma mort dans cette pièce elle
éclairera ma vie de misère de sa lumière implacable. Et veillera même sur mon
cadavre jusqu'au bout de mon chemin de reclus avant que les gardiens ne
l'ensevelissent dans une terre d'oubli.
Les couloirs de la prison s'animent et se pétrifient tout à la fois : des
grilles s'ouvrent dans des bruits de clé et se referment en claquant. La ruche
des taulards commence à résonner des multiples éclats de bonnes et mauvaises
humeurs. Les clameurs matinales des détenus se joignent aux heurts métalliques
des systèmes de sécurité. Dans un concert plus ou moins joyeux ou plus ou moins
déprimant, selon les différents points de vue...
Vérification des alarmes, contrôles humains et surveillance à distance des
captifs, tout est consciencieusement passé en revue, rien n'est laissé au
hasard. Dans cet enfer pénitentiaire, pas de place pour l'imprévu. Pas le
moindre mouvement de cil n'échappe à la vigilance de l'autorité carcérale.
Les prisonniers se réveillent, leurs cerbères ne s'endorment jamais.
Les voix rauques des hommes qui se mêlent aux échos neutres et aseptisés
des appareils électroniques confèrent à ce théâtre attristant des allures
antiques, anachroniques, intemporelles, les chaînes de jadis étant simplement
remplacées par les dispositifs sophistiqués de notre époque.
L'Humanité ne change guère dans ses fondements.
Et ce cirque des enfermés, cette ronde des enchaînés, cette chorégraphie
des emmurés pour moi dure depuis vingt ans, cinq décennies, un siècle, bientôt
mille années il me semble.
Chaque condamné demeure en permanence sous l'oeil des matons comme des
caméras.
Certains patientent bêtement jusqu'à l'heure du prochain repas,
quelques-uns espèrent vainement s'évader, d'autres s'occupent avec fruit, et
parmi ces pauvres mortels il y en a qui pensent au ciel, au bonheur, à
l'amour... Chacun vit sa réclusion à sa façon, conformément à sa nature et à sa
qualité d'âme.
En ce qui me concerne, comme tous les jours, j'attends que la fin du monde vienne toquer à ma porte.
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