Texte d'après un tableau du peintre Aldéhy
Deux amies, l'une blonde, l'autre brune, semblablement éligibles au trône
de Vénus, s'amusent de leurs différences, se comparent en riant et se jaugent à
l'aune des regards posés sur elles, fières de leur gloire et usant chacune de
leurs éclats comme de leurs aspérités.
LA BLONDE — Je suis le printemps, tu es l'été. Je suis le blé, tu es la
braise. Mes yeux sont un ciel bleu, ton sourire est une flamme rouge. Je charme
en douceur, tu séduis avec ardeur. Toi et moi sommes deux fleurs, l'une de
velours, l'autre hérissée d'épines.
LA BRUNE — Tu es la fraîcheur de l'onde, je suis la brûlure du Soleil. Tu
fais rêver les solitaires, je fais pleurer les téméraires. Tu leur promets le
baiser de l'amour, je leur destine la morsure de la chair. Tu es l'ange, je suis
la louve.
LA BLONDE — Je suis auréolée des étoiles de l'innocence, de la poésie, de
la pureté. Et je brille telle une blanche aurore. Toi, tu es parée des
artifices sulfureux qui éveillent les mâles ivresses. Et tu illumines leurs
nuits de fantasmes féroces. Je suis le nectar des galants qui les rend
romantiques et sirupeux, tu es le poison qui les fait déraisonner ! Je les
berce, tu les incendies. En mon image paisible ils voient la légèreté de la
brise vernale, dans tes charbons embrasés ils tremblent de désir et ne pensent
plus qu'à l'enfer qui les tourmente délicieusement.
LA BRUNE — Sous tes traits de biche qui les caressent, ils s'endorment avec
des papillons dans le coeur. Sous les feux de mon visage qui les défie, ils
deviennent des bêtes affolées ! Tu les apprivoises de tes cheveux blonds et moi
je les dompte de mes crocs carnassiers. Tu vois, avec nos armes et nos égards,
nos piqûres et nos étreintes, nos coups et nos faveurs, nous parvenons à mettre
le monde à nos pieds. Je suis cinglante, tu es cajoleuse. Je suis noire, tu es
d’azur. Je suis dense, tu es aérienne. Bien que nous soyons contrastées, moi la
foncée, toi la dorée, nous faisons tourner autour de nos têtes la Terre et les
hommes qui la peuplent car la vérité, c'est que la beauté (qu'elle soit claire
ou obscure, solaire ou ténébreuse, franche ou bien voilée) aura fatalement le dernier mot.
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1 commentaire:
Réellement un magnifique texte, quel talent ! MERCI Raphaël !
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