Me voilà devenu, le temps de mon existence incarnée, un enfermé jusqu'à la
mort, un oublié de la terre et du ciel, une ombre derrière des barreaux
d'acier.
Je suis coupable et ne vaux plus grand-chose pour les hommes : je n'ai pas
même la moindre once de clarté à leur apporter. De toute façon personne ne veut
plus m'entendre à présent que je me suis soustrait à l'Humanité. Mon acte
ignoble m'a rendu indigne d'avoir voix au chapitre. Ce n'est certainement pas au
malfaiteur de donner des leçons de vertu aux honnêtes gens ! J'ai été condamné à
perpétuité, tout est fini pour moi. Je ne sortirai jamais de cette tombe de rat
où je pleure et gis.
Du fond de cette fosse amplement méritée, creusée de mes propres mains par
mon péché, je prie.
Il ne me reste que ma misère pour finir tout seul le chemin. Tel est le
prix exact de ma rédemption de criminel. Et peu importe si les apparences de
cette expiation paraissent disproportionnées, inhumaines, impitoyables aux yeux
de certains.
L'essentiel n'est pas de faire le jeu de ces quelques humanistes sensibles
et frileux choqués par le triste sort réservé aux crapules de mon espèce, mais
de sauver le déchu qui prend conscience de son état. Les valeurs temporelles de
cette minorité de progressistes en vogue ne résistent guère à la force de
l'immuable vérité qui réclame non ce qui plaît au siècle mais ce qui, pour
toujours, demeure juste.
L'unique bonheur qui persiste encore en moi consiste en la certitude de
mourir avec une âme lavée, blanchie.
Ce qui me fait tenir debout aujourd'hui, certes en larmes mais avant
tout en vie, c'est l'idée d'être racheté après avoir enduré mon interminable
calvaire ici-bas. Mon dernier soupir sera également celui de ma vraie
libération. Depuis le point désolant de ma cellule, je vise non pas la liberté
du citoyen mais la délivrance morale.
Je ne cherche nul allègement de ma peine, je ne demande rien d'autre que le
pardon. Que l'on me prive de la lumière du Soleil, c'est d'accord. Mais que l'on
m'accorde celle qui m'éclaire de l'intérieur. J'accepte de vivre dans le froid,
loin de mes semblables, hors de tout, mais je refuse que l'on m'interdise
d'espérer.
Et je m'adresse à une cause suprême, à ce qui dépasse les normes de ce
monde, à ce qui souffle plus fort que les tempêtes passagères du coeur humain si
fragile, si imparfait.
Par delà les murs infranchissables de ma geôle de pénitent, mes pensées les
plus pures s'envolent comme des flammes vers l'infini.
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