Qu'ai-je donc à faire de mieux de mes journées pour tuer les heures les plus lourdes de ma vie carcérale ?
Rien.
Cloîtré dans ma cellule, j'attends.
Je patiente en regardant passer le temps. Je le vois venir de loin, l'entends couler au coeur du silence, le sens tourner en rond autour de moi, prêt à m'emporter avec lui sur ses ailes sans fin...
Finalement il s'arrête.
Et s'étale à mes pieds, effondré, inerte, creux comme une coquille, complètement mort. Tout la fois vide de sens et vainqueur. De mon unique point de vue, uni à jamais au néant et roi des ruines. Il n'est alors que poids stérile et fuite complète : il pèse telle une enclume d'immobilisme sur ma pauvre âme et m'échappe, paradoxalement.
Il m'écrase et pourtant il flotte, aussi obstinément manifeste qu'absent.
Il ne cesse de disparaître tout en se montrant omniprésent. Il n'a plus ni queue ni tête.
Pour finir, il se résume à peu de chose et s'impose en une énormité faite de tonnes de plomb.
Il devient du sable, du vent, de la pure fumée après m'être apparu pareil à une montagne. Il me file définitivement entre les doigts. A force de suinter le long de ces quatre murs où je m'éternise, il s'accumule inutilement. Et m'étouffe, m'oppresse, s'attarde puis commence à me dépasser, et enfin s'éloigne.
C'est dans ces moments précisément qu'il s'évade. Là seulement, lorsqu'il a le dos tourné, je peux le semer, mettre une certaine distance entre lui et moi.
En somme, en lui faisant face en permanence du fond de ma geôle et en tentant quand même de l'oublier, je le perds totalement.
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