Le lit de ma cellule représente l'espace le plus étriqué sur lequel je
passe le plus clair de mon existence. Comme un radeau statique sur l'immensité
des années qui lentement se consument, il constitue mon ultime refuge.
Avec lui je traverse les jours sans faire de bruit, j'avance platement mais
sûrement dans ma vie de détenu. Il me fait voyager d'une heure à l'autre, de
rêves en cauchemars et de quiétudes en larmes.
La nuit il m'emporte jusqu'au matin dans l'amnésie du sommeil libérateur,
ainsi que dans les nuages des songes. Lors de mes insomnies, soit il me berce de
sa tiède compagnie, soit il me glace les os de sa funeste présence, selon que je
suis plongé dans une paix nocturne ou que de noires pensées me rongent.
Cette couche qui me fait voguer dans l'océan du temps incarne également mon
cercueil. Je ne me fais aucune illusion : je vis, dors et mange dessus, mais
surtout, j'y meurs mollement. C'est un quasi-cadavre qui s'allonge à chaque fois
sur ce fatal matelas.
Un véritable sarcophage trônant misérablement dans un coin de cette pièce
de quelques mètres carrés. Ce lieu maudit où je devrai habiter jusqu'à ma
mort.
Ce point de repos restreint sur lequel je m'étends symbolise tout à la fois
mon châtiment et mon répit, ma peine et ma délivrance, mon supplice et mon
baume. Quand j'y suis couché, tantôt je pense à mon crime et le regrette, tantôt
j'ai au contraire tendance à l'oublier et des idées légères
m'habitent.
Je crois bien que lorsque je m'immobilise dans mon berceau de pénitent pour
m'y recueillir ou y sommeiller, je ressemble à ces gisants sculptés que l'on
voit dans certaines cathédrales.
Je suis las aujourd'hui et j'ai vraiment besoin de m'évader : j'envie et
aimerais rejoindre ces défunts de marbre solennels et beaux dont les visages
font face au ciel.
Figés dans leur linceul, ils ont les traits si paisibles...
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