Loin derrière la porte sempiternellement close de ma cellule, je les
imagine légers et joyeux, les gens libres.
Eux les anges heureux, moi la bête en geôle.
Ils vont et viennent à leur guise hors des murs de leurs maisons, comme
s'ils volaient de leurs ailes d'éther, aussi aériens que possible, eux qui n'ont
nulle chaîne aux pieds et rien que du ciel dans leur tête !
A mes seuls yeux, ils incarnent l'évasion.
Ils représentent l'ailleurs sans limite, le fol azur, le grand large,
l'immense espace des actions humaines. Tels des oiseaux ivres de vents nouveaux
et d'horizons clairs, ils jouent sans entrave entre les nuages blancs du jour et
les rêves éclatants de la nuit, insouciants dans leur innocence, ignorants tout
de mon triste trou.
Avec leurs intentions dénuées de noirceurs, leur coeur exempt de vices et leur dégoût du crime, ils font le théâtre du monde, embellissent la
Création par leur simple présence sous el soleil des justes, constituent la
partie vivante de ce siècle, tandis qu'au fond de ma cage grise, je n'existe
plus et ne compte pour rien. Même mon ombre semble ne plus me connaître.
Ces hommes debout du dehors, généralement des âmes ayant pris de la
hauteur, sont autorisés à décoller. Pendant que moi le rat, moi le réprouvé, moi
l'oublié je croupis plus bas que terre. Combien j'envie ces bipèdes jouissant de
leur altitude !
Alors qu'ils palpitent dans la lumière, je soupire à n'en plus finir... Ils
ont su rester intègres, en haut de toutes les estimes, cependant que je suis
tombé. C'est de ma faute. Je n'ai pas suivi leur exemple, me croyant plus fort que la vertu. Me
voilà à présent dans la fosse des perdants, moi qui voulus gagner en
trichant.
J'en paie aujourd'hui le prix.
Et, lourd de regrets, je pense à cette humanité de purs papillons à laquelle
j'aurais pu continuer d'appartenir...
Ici dans ma prison, désormais coupé de ce peuple d'ailés, je ne suis plus
qu'un mortel de plomb.
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