Ici, au fond de tous les oublis, je me situe entre le néant et la nuit. Et
les matons qui m'apportent à manger constituent les maigres étoiles éclairant
faiblement et à horaires fixes mon cachot de damné.
La nourriture est médiocre, les visages qui la distribuent sont austères et
la porte de ma cellule ressemble au couvercle d'un cercueil. On me laisse le droit inaliénable, si la chose me chante encore, de moisir dans cet enfer puisque c'est là précisément sa fonction. A ma charge d'essayer
d'en faire un purgatoire, c'est-à-dire un chemin vers une sortie
lumineuse.
Ma liberté ultime réside finalement en cela. On m'a puni à juste titre pour
mon crime. Mais rien ne m'interdit dès lors que je demeure sagement là où j'ai
mérité d'être, de m'extraire de ce gouffre par mes propres moyens, et tant que
cela est possible, tout en restant dans la légalité. Non pour m'y évader
stérilement par pour y trouver un sens vertical, une voie céleste à
suivre.
Le peu de lumière qui parvient à pénétrer dans mon antre de rat devrait
normalement suffire à préserver mon âme des abysses et à la sauver. C'est à
travers ces minces clartés résiduelles que je compte changer mon sinistre sort
en destin de plus digne envergure. En dépit des jours de désespoir et des heures
mortelles, je cherche malgré tout le sommet.
Non je ne suis pas mort en réalité.
Entre les ténèbres et le vide de cette existence de pénitence prisonnière
de quatre murs, je me raccroche à tout ce qui peut me maintenir debout face au
ciel. Les mines sans sourire de mes geôliers aux airs durs, aux gestes froids,
aux attitudes purement réglementaires forment le terrain âpre mais salutaire sur
lequel je dois m'appuyer pour repartir à zéro dans mon humanité déchue : ces regards qui me fusillent sont aussi ceux que je veux apprendre à aimer
pour l'unique raison qu'ils sont humains et que cette nécessaire
épreuve est difficile.
Ce sera là le prix de mon envol.
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