Venue des profondeurs de ma geôle, du fin fond de ma solitude, du plus noir
de ma détresse, une présence me rend visite, très irrégulièrement.
Quand je me sens atrocement trop seul dans ce trou sans issue, en réalité
dans ces moments de naufrage absolu je ne suis pas si abandonné que ça dans ma
tombe de neuf mètres carrés : cette ombre inconnue prend soin de mon
agonie.
Pour que je ne perde pas totalement la raison, ou plus précisément lorsque
je suis déjà engagé sur le chemin de la folie, cette entité sans nom semble
voler à mon secours. L'intruse s'introduit entre mes quatre murs afin de me
rattraper en plein vol tandis que je suis en train de tomber. Elle me tient
compagnie dans les ténèbres de ma cellule éclairée jours et nuits.
Pour le dire autrement, dans ces heures critiques où je sombre un ange
m'ouvre ses bras, je crois bien.
Du moins j'interprète ainsi le phénomène, depuis mon point de vue
personnel. Plutôt que d'avoir peur de cette mystérieuse manifestation, je
préfère m'en faire une amie. Tant que ce drôle de spectre ne m'apporte aucun
mal, autant percevoir cette affaire de manière positive. Jusqu'à maintenant je
n'ai jamais eu à me plaindre de cette chose. Bien que cette apparition soit
inexplicable, sa nature me paraît bonne de toute évidence.
Je n'ai nullement besoin de l'appeler, alors que je vacille et chois. Cet
être dont je ne sais rien accourt de lui-même dans les minutes cruciales de ma
vie de captif. Il fait diversion à ma misère, c'est là son essentielle fonction.
Je le nomme "mon fantôme" faute de mieux, ne connaissant ni l'origine de cette
figure qui n'est pas de notre monde ni sa véritable apparence, tout n'étant que
ressentis éphémères et reflets furtifs autour de moi. Mais cet hôte étrange est
bel et bien là, juste à mes côtés, je le vois avec les yeux de mon âme et le
touche du bout de mes doigts. Il effleure mon visage, me souffle des mots
indistincts au creux de l'oreille, me tend la main au coeur du gouffre.
Tout cela résonne comme une pure chimère, je ne l'ignore pas. Il me reste
encore de la lucidité.
Parfois je me demande si finalement je ne suis tout simplement pas égaré
dans des rêves qui ressemblent à des certitudes... Mais non, cette petite lueur
dans l'obscurité existe réellement. Je ne puis me permettre d'en douter. La
preuve, une fois que je retrouve la pièce définitivement vide, après que
l'énigmatique esprit m'a escorté au bord de l'abîme, je me surprends à le
chercher dans les moindres recoins de ma minuscule forteresse, palpant tel un
dément les parois qui m'entourent, désespéré de le savoir déjà parti.
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