Face aux barreaux mutiques de ma cellule, j'ai fini par me taire.
Purement et simplement.
Au tout début il m'arrivait de crier en l'air, à tort et travers. En
réalité je m'adressais au vide et à l'indifférence. Mais je ne le savais pas
encore. Je pensais bien faire, j'imitais bêtement les autres détenus... Ils font
tous le même cirque, sans aucune lumière dans leur tête ni la moindre légèreté
dans leur âme. Je devais comprendre assez vite que le fait de singer cette
humanité braillarde et grimaçante ne m'avancerait pas à grand chose.
J'appris par cette expérience que les silencieux soupirs des profondeurs de
mon être étaient finalement bien plus retentissants et féconds que ces inutiles
hurlements. Ces derniers restent creux, vains, bestiaux et totalement stupides.
Je les assimile d'ailleurs à des barrières et non à des ouvertures. Ils coupent
la parole au lieu d'amorcer l'échange. Ces beuglements d'animaux ne débouchent
que sur des malentendus.
Ils cassent surtout les oreilles des gardiens. Personnellement je ne
ressens nul intérêt à produire autant de bruits stériles dans ce pénitencier
alors qu'il est possible d'y apporter la paix des prières.
Pourquoi vouloir semer de l'ivraie, ajouter de la dureté, aggraver les
désagréments au milieu de ce fracas de béton et de cet amas de laideurs ? Même
les chardons peuvent choisir de fleurir plutôt que de toujours sottement
afficher leurs repoussantes épines. Quel bénéfice peut-on donc trouver à jouer
les diables quand on est capable de se montrer doux et tranquille ?
Ces mots de fureurs poussés pour rien sont des poids morts aux yeux du
monde, des pollutions sonores qui empêchent toute communication fructueuse, des
plaintes lourdes et encombrantes d'ânes idiots et grotesques. Ces clameurs de
bêtes ne font trembler que les murs, jamais les hommes.
Les premiers demeurent de marbre et immuables même après avoir été
secoués, les seconds se bouchent tout bonnement les tympans et passent leur chemin.
Heureusement que je ne vois pas ces singes en cage qui m'entourent... Je
les entends certes s'agiter, braire, aboyer, baver comme des imbéciles à
certaines heures du jour, mais depuis ma geôle je ne suis pas témoin visuellement de cet affligeant spectacle. Ces quadrupèdes à visages humains se
confrontent ainsi toute leur vie durant au néant. C'est leur problème.
Moi, grâce à mon silence, je jouis d'une éloquence supérieure : je communique avec la sérénité me concerte avec l'intelligence.
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