Ce qui est absurde dans ma situation sans issue, c'est que je me comporte 
comme s'il y en avait une.
Tandis que je suis prisonnier définitif des murs, dans ma tête je pousse 
une porte inexistante. Alors que je me trouve enfermé dans une interminable 
parenthèse de néant, dans un trou dont je ne sortirai jamais libre, seulement 
mort, je me surprends à compter quand même les jours qui se sont desséchés, 
usés, éteints dans ces ténèbres.
Aussi inutile que soit la chose, je mesure scrupuleusement les moindres 
parties de mon enfer, j'énumère chacun de mes pas effectué sur la route de mon 
malheur, je mets des chiffres clairs et rigoureux, et totalement vains, sur 
l'immensité de mon châtiment.
Chaque journée révolue est un naufrage répétitif qui s'ajoute au cataclysme 
de ma vie. Mais aussi un  minuscule soulagement. Et mon horizon peu à peu se 
précise. Je m'approche de la fin de mon monde avec une lenteur géologique.
Année après année, lustre après lustre, décennie après décennie, le temps 
qui me tourmente tant s'allège au fil de sa progression. Il tue mes heures de 
souffrance et d'ennui une à une, puis par dizaines, par centaines, par milliers, 
me promettant de moins en moins de lendemains à endurer. Il engrange 
quotidiennement du passé et, à la même vitesse, se vide du futur. Et ma peine 
s'abrège fatalement au rythme du Soleil qui se lève et se couche sur mon sort de 
misère.
Et je prends la main de Chronos, cheminant avec lui en direction du gouffre 
final de la tombe qui me libérera de toutes les pesanteurs carcérales. 
En attendant, je dénombre les vagues de chagrin et les flots de tristesse 
de cet océan de nuit et de solitude qu'est ma cellule.
Je sombre à petit feu dans cette pièce unique dans laquelle je suis 
condamné à mourir. Les soirs y sont pour moi des glaces et les matins des 
brûlures.
J'attends que tout se termine entre les ombres et les flammes qui 
m'entourent.
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