Sur Terre il y a des esprits tourmentés, des cervelles complexes, des têtes
surchauffées qui se posent des questions que l'on sait fondamentalement sans
réponse, eux les premiers, et qui très sérieusement passent leur temps à tenter
d'y répondre quand même.
Il y a également ceux qui s'ingénient à rationaliser des fables
religieuses, cherchant à rendre lumineux les dogmes millénaires les plus
sombres, intelligibles les écrits sacrés les plus imbéciles, les plus
hermétiques, les plus infantiles...
Et puis, il existe des gens simples, sensés, terre à terre, sages et plein
de joie qui s'occupent essentiellement de choses à portée de leur vue, c'est à
dire aussi éloignées que leurs bras. Ou guère plus que leur jardin.
Eux ne se torturent pas les méninges pour savoir si Dieu est trois en un,
si le Fils est le Père ou si la Trinité est la somme de l'un et des deux autres
qui s'annulent...
Non, ces choses-là ne font pas partie de leur quotidien. Ces bipèdes, dont
je fais moi-même partie, s'amusent beaucoup de ces doctes penseurs du vide
écrivant des pavés sur leurs bulles de savons intellectualisantes.
Et pendant que ces pédants plantent leurs pensées stériles dans le ciel de
leurs creuses abstractions, eux sèment bénéfiquement des patates, des laitues,
des carottes dans la terre féconde de leurs potagers. Les générateurs de
réflexions profondes et insolubles sont en réalité des ânes savants qui braient
en l'air. Et ne récoltent que leurs propres postillons retombant à plat.
Ils ne font nullement avancer l'intelligence mais au contraire régressent,
s'égarent dans une bêtise sans fond.
Et à force de tordre leurs concepts dans tous les sens, ils concluent que
les anges ont un troisième sexe, que la vérité ne peut être révélée que par des
porteurs de toges ou que leur Créateur peut être mis en carré dans leur boîte
crânienne.
Bref, ces sots hantés par leurs humeurs cérébrales en oublient de vivre
leur vie d'hommes. Et en deviennent sinistres et ridicules avec leurs
préoccupations poussiéreuses.
Ils me font songer à des petits singes précieux, vêtus de costumes, le
front orné de chapeaux pointus d'universitaires sclérosés.
Tandis que les
humains pragmatiques, bien loin de ces vacuités, proches de leurs sillons et
sachant sourire à la beauté du jour, sans autre façon, s'apparentent à des âmes
en état de grâce, à des papillons dans la lumière.
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