Au lieu de contenir les incendies d'Eros comme l'on pourrait le croire, la
réclusion à vie dans une pièce bétonnée les alimente au contraire. Au début de
mon inhumain isolement, j'étais assailli par les braises du désir. Il faut
savoir que la pire perte pour un détenu est celle des joies de l'hymen.
Emmurer un homme doté d'une virilité de cheval revient à placer une bombe
dans coffre-fort : les parois d'acier, aussi épaisses soient-elles,
n'empêcheront nullement d'étouffer la flamme dévastatrice. Eriger des murs
autour du feu charnel ne fait que le décupler et non l'éteindre.
Le manque de présence galante m'a profondément rongé. Le vide poussant à
enflammer mon imaginaire définitivement privé de femmes, il ne me restait plus
que les fantaisies infernales de mes mâles rêveries pour tenter de satisfaire
mes appétits les plus ardents.
Mais quel horrible supplice que d'essayer de boire une eau virtuelle
lorsqu'on meurt de soif ! Aussi par la force des choses ai-je dû, au bout de
quelques années de tourments sans fin, me résoudre à choisir de plonger dans la
folie poétique plutôt que de continuer à courir après des chimères cruellement
inaccessibles.
C'est ainsi qu'au prix d'un effort inconcevable, je me suis mis à
progressivement préférer suivre une voie résolument verticale, me détournant des
séductions étouffantes de Vénus pour me diriger vers la quête de pures étoiles.
J'imagine alors m'embarquer dans une aventure fabuleuse aux commandes d'un
voilier spatial en direction du firmament, aux antipodes des marécages de la
sensualité contrariée... Et, voguant pendant des heures dans mes hauteurs
supérieures, je ne songe plus aux terrestres plaisirs.
Dans ma tête toute retournée, je remplace avantageusement le mot "femelles"
par celui d' "astres", ce qui m'aide beaucoup à changer l'orientation de mes
idées. De cette manière je peux aisément transfigurer les féroces appas féminins
en d'idéaux corps célestes : j'oublie les imprenables fleurs sexuées pour
m'enivrer bien plus bénéfiquement de la beauté des géantes stellaires. Ces
dernières se situent certes hors de ma portée, elles aussi, mais au moins elles
ne brûlent pas mes nuits.
Lorsque l'aiguillon des sens se manifeste à moi, il me suffit de poursuivre
mon rêve de voyage interminable dans l'espace intersidéral pour dévier mon
attention de ces pesanteurs physiologiques aliénantes et me retrouver aussi libre
que possible dans ma sphère onirique, loin, très loin des lourdeurs de la chair
en émoi.
Entre misère et héroïsme, tel est le moyen que j'ai trouvé pour échapper au
piège des chaînes hormonales.
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