Depuis les profondeurs de mon ermitage, propices aux contemplations, je
demeure particulièrement réceptif à la paix des cieux comme aux orages qui y
éclatent. Attentif aux divers spectacles que m'offre la Création, j'ai maintes
occasions de m'extasier.
Loin de me morfondre dans mon trou, ce dernier est le point de départ de mes
multiples envols. Mille causes me font lever les yeux vers la lumière.
Ainsi j'assiste régulièrement à la féérie grandiose des cumulus qui voguent
au-dessus du monde. Etendu dans l'herbe, j'admire ces champs de nuages pareils
à de somptueux blocs de banquise. Et je voyage dans un rêve de blancheur,
emporté par les ailes de la poésie et déposé sur le dos des étoiles. Ces nuées
ressemblent à une forêt traversant l'azur : j'ai l'impression de voir passer une
masse compacte d'écume composée de milliers d'arbres blancs... Le reflet allégé,
idéalisé, purifié, blanchi de ces bois pleins d'ombre et de densité où je
vis.
Je ne perçois plus qu'une mer lactescente qui envahit l'espace céleste. Des
icebergs de légèreté qui filent dans les airs. Une avalanche de neige roulant
vers l'infini avec des lenteurs divines. Des vagues géantes, augustes et
sereines se mouvant mollement dans l'atmosphère.
Autrement dit, l'incarnation de l'éther sur Terre. L'extrême élégance de
l'apesanteur. Le ballet éolien de la matière remplie d'esprit. La preuve que
toutes les lourdeurs du sol peuvent s'élever et voltiger dans des sphères
supérieures. L'eau qui croupit sous forme de fange s'évapore peu à peu et se
transforme en pure beauté, là-haut. N'est-ce pas l'illustration la plus parfaite
de la sacralité de l'Univers ?
On dirait des montagnes volantes, un océan ailé, un continent flottant.
Quelle majesté !
Et je rejoins ces âmes gigantesques, ces anges himalayens, figé sur le
plancher des vaches, le regard illuminé par ce théâtre aux dimensions
cosmiques.
Et tandis que ces fabuleuses volutes nivéennes parcourent l'immensité, je
m'attarde à mon poste d'observation jusqu'au crépuscule...
Telle une horde de paresseux pachydermes en marche vers de radieux
horizons, l'armée de nébuleuses continue son défilé aérien au-delà de ma vue. Alors que ces fumées de l'Olympe prennent la direction de l'éternité, le jour
s'estompe autour de moi.
Et la nue s'efface progressivement dans la mélancolie du soir.
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