Moi je suis une bête de la forêt, un hôte des terriers, une taupe de
l'humus. Et certainement pas un émotif de la ville, un délicat des salons, un
amateur de thé.
Je mange mes patates avec mes pattes d'ours, dors sur un matelas de foin,
plonge ma face hirsute dans les flots glacés de la rivière. Mes frères issus de
la sylve, ce ne sont point les hommes parfumés mais les sangliers puants.
Je ne fais pas de manières. Chez moi c'est spartiate, dur, franc, direct.
Les chichis, c'est pour les chochottes. Et j'appelle un chat un chat. Les rats
chient dans mes sabots et les souris nichent dans mon chapeau. Je n'en fais pas
une affaire d'état pour autant. Cela ne m'empêche ni de marcher dans les fourrés
ni de porter mon couvre-chef sous le clair azur.
Les mondains des grands boulevards ne m'impressionnent guère avec leurs
semelles lustrées et leur beau parler. Moi je ne fais pas dans la langue de bois
mais dans le poing sur la table ! A la place des mots chics, j'utilise la pogne
de choc.
Et s'il le faut je peux aussi appuyer mon propos à coups de pieds au cul de
quiconque ne comprend pas.
Je crache dans le feu comme un vrai seigneur de la friche que je suis et
piétine de mon talon d'ogre les insignifiances citadines qui ne valent rien à
mes yeux. Sous mon toit de roi des rondins ce n'est pas le règne de la dentelle
et de la soie mais la rudesse des bûches et le confort d'une étable.
Je ne partage certes pas mes repas avec des marquises vaporeuses ou des
parisiennes élégantes mais avec la tranchante solitude de mon ombre
d'épouvantail. Avec mon couteau planté près de la cruche pleine d'eau de pluie
et sous mon nez la tranche de pain accompagnée de la gousse d'ail, je ferais un
piètre cavalier de soirée pour ces dames ! Je suis bien mieux à mon aise en
compagnie de l'austère flamme du foyer et des voleurs de miettes bien-aimés qui
rampent sous mon lit plutôt que dans les artifices et superficialités des
conversations oiseuses de ces précieuses personnes aussi frileuses
qu'écervelées.
Et puis je dois l'avouer, le cri sépulcral des corvidés est plus cher à mon
coeur taillé à la hache que le chant sirupeux de ces rossignols affublés de
broderies fines. J'ai trop besoin du baiser de la rocaille et de la caresse de
l'orage pour combler mon âme âpre et anguleuse.
Je ne pourrais accorder mes égards qu'à la bergère assez tendre et sauvage
à la fois pour accepter de se faire croquer toute crue par le loup !
Définitivement, je ne suis pas un joyau urbain de ce siècle.
Désormais je joindrai les brouillons de mes textes afin d'agrémenter mon blog. Mais ces papiers noircis ne sont pas systématiques : uniquement lorsque je rédige mes oeuvres loin de chez moi, en pleine nature la plupart du temps. Les plus curieux d'entre vous pourront consulter la totalité de mes manuscrits archivés ici : https://lune7.blogspot.com/
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