Je m'occupe autant que je peux dans l'espace restreint de ma cellule,
certes. Cela n'empêche pas que certains jours, l'enfer de ma vie confinée
devient impossible à canaliser. Et au lieu d'emprunter de fructueux chemins,
qu'ils soient horizontaux ou verticaux, franchement pragmatiques ou vaguement
poétiques, purement cérébraux ou tangiblement domestiques, je tourne bêtement en
rond dans ma cage.
Cependant tout ne se révèle pas aussi simple qu'on serait tenté de le
penser.
En réalité cette activité aux apparences déprimantes s'avère moins négative
qu'on pourrait le croire.
Marcher ainsi à pas vifs dans ma geôle minuscule génère en moi des idées
noires, il est vrai. Mais cela dissipe mon stress à la fois. M'enfoncer
dans une voie sombre, c'est également m'engager vers toutes les formes de l'inconnu,
les potentielles bonnes surprises, les éventuelles portes de sortie.
L'imprévisible virage fait parfois dévier avantageusement les plus funestes
conduites.
Finalement, en prenant la décision de diriger mon esprit vers la lumière après
avoir bien pataugé dans les ténèbres, ma vision des choses change positivement.
Et mon coeur suit naturellement le mouvement de mes pensées.
Ma ronde absurde entre les murs de la pièce se transforme progressivement en une idéale escapade.
Au départ stérile égarement, vaine errance, franche aliénation, cette fuite sur place évolue
vers une quête de sens, une progression vers plus de clarté, une tentative de
prise de hauteur.
Je me morfonds en faisant le tour de mon monde clos depuis une heure ? Fort
bien. Je ferai donc de cette folie de bête une sagesse d'ange.
Je préfère tirer avantage de toutes les opportunités, obligations et
inconvénients de ma réclusion plutôt que perdre mon temps à m'en désoler, du moins tant
que j'en ai et la force et la volonté... Ainsi en décidant d'élever mon regard, je
me rends compte que cela m'entraîne dans un cercle vertueux.
Et ma chorégraphie de pauvre hamster dément prend alors les allures d'un
tourbillon ascendant pour mon âme avide d'horizons, de ciel et d'infini... Je
longe inlassablement les frontières infranchissables de mon univers exigu, passe
et repasse devant les quatre coins de mon antre de claustré, refais le
même circuit étriqué tout en imaginant cheminer dans des étendues verdoyantes, des
prairies fleuries, des forêts immenses...
Ce sport pratiqué à l'étroit m'apporte tous les bénéfices : je parcours
deux ou trois kilomètres autour des remparts de béton qui m'emprisonnent.
Mais dans ma tête, j'en fais mille en plein air.