A ses yeux ce n'est pas l'argent qui compte mais les nuages.
Il ne prête attention qu'aux choses qui le dépassent, ne voit que les
réalités situées au-dessus de sa tête, n'accorde de l'importance qu'à ce qui
domine le monde. Pour lui le reste n'est que lourdeurs, vulgarités, vacuités.
Voire bassesses. Dans le meilleur des cas, simples nécessités biologiques et
domestiques.
Evidemment, prioritairement à cause de cela on le considère dans la société comme
un être singulier, étrange, loufoque, décalé, possiblement fou. Mais il s'en
moque puisqu'il mange à sa faim, dort sur du foin l'hiver et sous les constellations l'été, boit l'eau de la pluie et s'enivre de beauté. Autant dire qu'il jouit de
toutes les richesses de la Création. Et parce qu'il a l'essentiel tous les jours
de l'année, il n'a nullement besoin de la reconnaissance de ceux qui préfèrent
les lueurs de leurs écrans aux éclats du ciel.
Il vit dans ses hauteurs, c'est-à-dire loin des mirages de son siècle. Ses
sommets à lui ne sont ni sa position sociale ni ses maigres biens, et
encore moins son apparence, mais son humble potager depuis lequel il voyage
statiquement sous l'azur, observe les oiseaux et admire le firmament.
Indifférent aux passions profanes de son époque, insensible aux flammes
artificielles qui brûlent autour de lui, ignorant tout des modes qui agitent les
âmes superficielles, hermétique aux technologies qui éloignent l'homme des
arbres, de la terre, des corbeaux, il ne vise que la poussière des chemins, la
pureté de l'horizon, les clartés de l'aube et les ombres du crépuscule.
Les femmes, il les aime à son image : natures, tranchées, radicales.
Charnelles et magistrales mais néanmoins soumises et vertueuses, minces et
légères... Avec le corsage aussi lourd que spirituel. Il faut préciser que ce loup
ne dévore que les vraies agnelles : celles qui ont l'esprit tendre et la peau
dure.
Ses rares amis l'apprécient pour la seule raison qu'il ne leur offre que du
rêve, jamais rien de matériel. A part quelques pommes de pin ou une poignée de noisettes. Il a des ailes et le leur montre, ses frères
dénués d'illusions savent à quoi s'en tenir avec lui. Il a le sens de l'amitié
aussi développé que celui de la poésie : il invite volontiers au pied de son
âtre les anges de la nuit, les hiboux nocturnes et autres gens de plume. Pour
parler avec eux forêt, fagots, brume, feu, étoiles... Il plane entre espace
rural et profondeur cosmique.
Il affectionne les rats, les taupes, les poutres, les chandelles et les
sabots.
Et par-dessus tout, il est follement amoureux de la Lune.
Enfin, pour être vraiment honnête, son coeur d'idéaliste balance, cela
dépend de son humeur, entre les sombres cumulus à la tombée du soir et la claire
face lunaire à l'heure fatidique de la soupe vespérale.
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