Tout ce qui est lourd, épais et encombrant est finalement sans grande
importance. Placards, canapés, châteaux, or, plomb, lustres ou bien bijoux, rien
de cela ne me comble le temps de ma vie.
Et tout le reste s'envole dans le ciel, emporté par le vent.
Ce qui est léger s'évapore, s'évanouit, est vite oublié. L'anonyme
poussière, les vagues fumées et les rêves lointains, eux non plus ne pèsent
guère plus que des pensées vides ou que des os jaunis au regard des siècles qui
passeront encore après moi.
Dissipés par la brise, eux aussi.
Même les pierres s'effritent et finissent par disparaître un jour. Plus
tard le sable les remplacera, et lui-même sera changé en sel.
Et moi, je n'emmènerai aucune de ces chimères au-delà de l'horizon
terrestre.
A y réfléchir, peu de choses m'agréent vraiment en ce monde.
Seul compte véritablement à mes yeux le chant du corbeau. Ce qui vaut
réellement à mon coeur, c'est ce qui sort du gosier de la bête au noir plumage.
Son cri rauque sortant de la brume suffit à enchanter durablement mon âme.
La plainte poussée par cet oiseau vêtu de ténèbres, tel est le vrai trésor
que j'ai trouvé sur cette Terre !
Ma richesse ultime n'est pas palpable. Elle ne vient pas de ce qui brille
ou de ce qui gît dans des coffres-forts mais de ce qui est terne, rocailleux,
sinistre, et que je parviens parfois à approcher au ras du sol, au fond des
champs, certains matins d'octobre...
En un mot, je ne suis touché que par la plume. Pas n'importe laquelle, vous
l'aurez deviné.
Celle qui est déjà noircie d'encre, celle qui me rappelle l'azur, les
nuages et les aubes d'automne imprégnés de brouillard. Je veux parler de celle qui habille les corvidés et fait toute leur beauté.
Lorsque j'entends les croassements de ces derniers, je me sens plus vivant que jamais
!
Même si leurs râles, eux aussi, sont balayés par Éole.
Sauf que leurs voix, lugubres comme un glas dans les labours, ne s'effacent pas de ma réalité et que je les garderai avec moi
jusqu'au paradis.
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