Il est tôt, je me lève d'un pied de pauvre, éclairé par l'aurore et salué
par la solitude.
La cendre dans l'âtre est froide et le jour frappe à ma fenêtre. Mes rêves
de la nuit sont oubliés, la journée commence sa grande pièce de théâtre. Il est
temps d'aborder cette nouvelle aventure d'un oeil neuf et, comme je le fais à
chaque page du livre de ma vie, de laisser entrer la joie sur la scène.
Je fais naître la flamme et taire le moindre souci. La pénombre dans la
pièce est légère et l'heure devient paisible. Je tiens une bûche d'une main et
tend l'autre à la providence.
Dehors le matin s'annonce médiocre, avec sa fade tiédeur et sa molle
grisaille. Tant mieux ! L'espoir de plus d'âpretés me bercera de promesses de
pluie et de vent ! Imaginaires ou réels, l'onde et la tempête seront les
bienvenues dans ma tête en fête !
Et si par miracle il advient que le ciel s'écrase effectivement sur la
forêt et l'inonde de tristesse et de boue, alors je marcherai dans une mare de
lumière mêlée de fange pour mieux atteindre le crépuscule et ses marécages
enflammés. Et le soir aura pour moi les délices de la fatigue et l'odeur du bon
feu de bois...
Et si rien de tout cela n'arrive, si la nue demeure uniformément morne et
plate et la terre calme et sèche, j'avancerai avec la même ferveur vers le
lumineux horizon. En empruntant le chemin qui s'offre à moi sans jamais le
maudire, quel qu'il soit, je rejoindrai de toute façon le rivage vespéral avec
plein d'azur dans mon âme.
Mais le Soleil s'éteint peu à peu derrière l'épaisseur des nuages, je dois
sortir pour aller confectionner des fagots. Le labeur est salutaire pour mon
corps et mon esprit, et le rude contact avec la nature a la douceur d'un baiser
au goût d'écorce. Je ramène mon trésor de branchages vers midi.
La rivière me rafraîchit de ses gifles glacées, je puis me restaurer de
pain chaud et de lait frais : j'ai les idées claires et un appétit de bûcheron !
Il me reste assez de courage et de vertu dans les sabots pour aller glorifier la
Création jusque dans l'ombre profonde de la sylve, avant que l'astre ne se
couche.
Je suis de retour de cet humble voyage qui m'a emmené juste à deux pas de
ma maison. Et pourtant je reviens de loin.
Je viens de traverser l'océan ordinaire de mon quotidien d'ermite.
Une odyssée dans la simplicité.
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