Je fus réveillé vers les trois heures du matin par un rêve étrange : des
êtres ressemblant à de pâles lueurs me tiraient de mon lit en me demandant
d'aller les rejoindre dehors. Certes ce n'était là rien qu'une chimère issue de
mon sommeil, cependant je constatai l'évidence : je me tenais debout au seuil de
ma porte, bel et bien éveillé. Je n'avais plus qu'à la pousser pour me retrouver
sous les étoiles. Ce que je fis.
Je me dirigeai machinalement vers les profondeurs de la forêt. Sans raison
objective. Il n'y avait nulle autre chose à voir que des arbres plongés dans les
ténèbres. Avec, au-dessus de ma tête, quelques constellations à travers les
feuillages.
Mais très vite, de vagues formes lumineuses apparurent autour de moi,
pareilles à de longues robes blanches voguant dans les airs et rasant les
herbes. Comme des nébulosités glissant mollement au-dessus du sol. Une nappe de
brume faiblement éclairée par le ciel étoilé ? Peu probable... Des reflets
d'aurore sur les ramures ? Non, le lever du Soleil était encore loin... De
silencieux d'éclairs rejetés par des restes d'orage ? Impossible, la nue
paraissait si claire et si calme...
Ma pure imagination alors ? L'expérience semblait palpable, je ne délirais
pas ! Je percevais ces fées avec toute la lucidité de mon esprit de lourdaud des
bois chaussé de gros sabots ! Quoi ? Qu'ai-je dit ?
Ces "fées" ?
Qui a parlé de "fées" ? Pourquoi donc ai-je choisi ce mot ? Ce terme vient
de sortir spontanément de ma pensée. N'ai-je pas pourtant les pieds sur terre ?
Je sais bien que ces entités fabuleuses n'existent pas... Non, je fais erreur,
je ne dois pas me trouver dans mon état normal en vous racontant cela... Il ne
s'agissait pas de ces figures irréelles échappées d'un livre de contes pour
enfants. Je crois plutôt avoir eu affaire à des papillons nocturnes, à des
feuilles dans le vent, au vol des chouettes ou à de la condensation d'humidité
sous les frondaisons...
Même si je sais au fond de moi que ces explications rationnelles ne
tiennent pas la route, je continue de refuser à admettre la réalité de ce que
j'ai vu de mes yeux dans le secret de la sylve. Je ne puis me résoudre à
concevoir l'inimaginable. Ma solitude d'ermite à la peau dure comme l'écorce me
jouerait-elle des tours à ce point tordus ?
Qu'avais-je réellement rencontré sous le firmament ? Quelle force onirique
inconnue m'avait extirpé de mes draps pour me conduire à l'extérieur de ma
demeure ? Et dans quel but ? Pour me prouver quoi ? Que ces femmes aux
apparences de fumées ne sont pas des rêveries ? Je ne m'attardai pas dans
l'obscurité parmi les troncs qui m'encerclaient et m'en retournai bientôt sous
mes couvertures, plein d'incertitude.
Mais je ne parvins plus à dormir, jusqu'à ce que l'aube arrive. Si les fées
ne sont pas des faits, alors comment cela se fait-il que des flammes s'allument
toutes seules en pleine nuit et que des ondes dansent à mes côtés ?
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