Mes bains matinaux dans la rivière sont frais en été, glacés en
hiver.
Depuis mon ermitage je ne prends que des douches de rudesses. Et pour me
détendre après ces austères ablutions, je m'étends sur des coussins de cailloux
à la belle saison, sur un duvet de neige en décembre.
La rugosité est mon lot, j'en suis heureux.
Toute l'année le meilleur de mon confort, c'est ce que m'offre la nature :
j'accueille le pire comme une bénédiction. Avec les aspérités de la Création je
fais les soupes les plus savoureuses, vis les moments les plus intenses, accède
aux sommets les plus élevés.
Que ces rigueurs me tombent sur la tête ou que je les foule du pied, elles
endurcissent mon corps et allègent mon âme. Je m'envole non pas sous les
tiédeurs de la mollesse mais sous la brûlure de la glace. La gifle de la grêle,
le feu de l'ortie ou le choc des flots gelés me donnent des ailes et me font
monter jusque dans mon ciel âpre et sauvage, élitiste et idéal.
Mon repos d'esthète et ma joie de reclus des bois sont dans les hauteurs de
la dureté, non dans la platitude des douceurs. Depuis mon point de vue
privilégié de loup solitaire définitivement retiré au coeur de la forêt et
préservé des bruits profanes des cités, mes valeurs sont tout autres que celles
du reste du monde.
Je crois que les véritables beautés doivent être cherchées à la pointe de
l'épine, dans le vertige des cimes, aux points culminants du quotidien, là où
commence la flamme de l'éveil.
Le sublime se trouve loin des caresses et apathies des moeurs citadines. Il
faut une nécessaire initiation pour le mériter.
Je l'ai découvert à l'aube au réveil, dans l'eau tranchante.
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