Le soir s'accompagne de brume, de glace et d'effroi.
Ma demeure plongée
dans ce vaste caveau qu'est devenue la forêt semble frissonner, vue de l'extérieur.
Mais au dedans mon âme s'éclaire.
L'occasion est trop belle : je me réchauffe au pied de la cheminée avant de
sortir pour m'enivrer au contact de cet immense drap mortuaire. Les beautés
funèbres du brouillard qui se mêle aux ténèbres m'attire et me met en joie. J'ai la sensibilité d'un phacochère romantique. Sous ma peau de bête bat un coeur fait pour la
caresse de l'écorce, la douceur de la rocaille et le luxe de l'humus.
L'intempérie, l'ombre et le froid me réconfortent, m'allègent, me
rapprochent du ciel.
Dehors tout n'est qu'enchantement à mes yeux. A travers la fenêtre je
perçois des flots de mélancolie, des tempêtes de grisaille, des gouffres
d'humidité, des vagues d'obscurité... Le tableau idéal de mes envols poétiques !
Mais il est temps d'affronter ces délicieuses rigueurs automnales avec mes gros
sabots, mon épais manteau, mon pauvre chapeau. Ainsi accoutré, je dois avoir
l'air d'un épouvantail de la nuit en partance pour les funérailles d'une vieille
souche...
Je me sens particulièrement en sécurité dans ce décor de cimetière, loin
des lumières artificielles de la ville. Le silence plein de nébulosité m'apaise. Je sens les
branches au-dessus de ma tête comme autant de bras protecteurs. Je m'enfonce
davantage dans les bois à la rencontre d'une plus ample solitude, d'un horizon plus opaque, de rêves plus merveilleux...
Je m'éloigne encore de ma masure et m'égare avec bonheur dans ce nuage qui stagne au ras du sol. Perdant mes repères dans ce flou généralisé, j'ai l'impression de me retrouver dans de noirs sommets, comme projeté dans les nues. A l'intérieur d'un cumulus nocturne voguant dans ses hauteurs, proche de l'éther, détaché du reste du monde.
Je me laisse emporter par ces fumées.
Après avoir déambulé une heure durant parmi les arbres aux silhouettes incertaines, je retourne vers mon âtre pour y raviver la flamme de mon souffle empli de légèreté.
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