Dans mon antre forestier je suis aussi heureux qu'un roi dans son palais.
En guise d'or et de broderies, de splendeurs et de vernis, mon luxe et mon
lustre consistent en le dépôt et l'étalage, dans tous les coins de mon foyer,
des rugosités et éclats de la nature. Je réchauffe ainsi mon âme au contact de
végétaux séchés, de fruits divers, de plantes multiples, de toutes les herbes,
communes ou choisies, qui m'entourent. Enfin je veux parler de ces humbles
récoltes exposées sous mon toit au gré des saisons.
Avec les fagots stockés ici et là, les pommes de pin amassées dans leurs
paniers d'osier, les bûches empilées par terre, les chapelets d'oignons
suspendues aux poutres et les graminées se desséchant un peu partout dans la
pièce principale où je gite, mon refuge dénué de confort moderne n'en est que
plus chaleureux ! De ce lieu intime plein de vie et d'histoires, il émane des
images d'un temps passé, une atmosphère de siècle révolu, des secrets aussi
vieux que le chêne de la charpente...
Ma demeure est un rêve de rusticité, un ciel de pierres massives, un azur
d'éclatante pénombre, un clos séculaire où viennent se poser corbeaux mystérieux
et s'enraciner légendes ancestrales... Entre ces murs d'un autre âge, je
ressemble à un hibou taciturne dans son clocher, isolé et ignoré de tous. Et
fort satisfait de l'être.
Chez moi ça sent bon l'ancien, le feu de cheminée, les copeaux de feuillus
et les essences d'épineux, Les odeurs primitives de la forêt y sont rassemblées,
concentrées, décuplées.
Le bois y est omniprésent.
La chandelle sur la table éclaire de sa lueur confidentielle cet univers si
dense, si profond... Il faut être un sacré oiseau de nuit pour habiter dans
cette tanière !
Ce qui constitue mon doux cocon pourrait effrayer quiconque n'est point
accoutumé à ces rudes moeurs agrestes. Il est vrai que pour pouvoir apprécier le
baiser de la braise, savourer les caresses de l'âtre, regarder comme une bête
l'écorce qui brûle, il faut avoir la peau dure, l'esprit rustaud, les mains
calleuses et les pieds lourdement chaussés de sabots !
Mon repaire de chat-huant loin des hommes et de leurs cités est une
retraite ultime pour animal farouche. Le plus enchanteur de tous les nids de la
sylve !
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