Certains jours je vois rôder un intrus autour de ma masure. Toujours le
même avec ses passages furtifs et ses intentions secrètes. Il s'agit d'un
renard, aussi curieux que froussard.
On s'épie mutuellement, lui tapi dans les herbes hautes, moi posté derrière
ma lucarne. Il ne guette assurément pas mon refuge isolé pour traiter d'affaires
gastronomiques avec des poules, étant donné que je n'en ai pas. Le but de ses
visites semble tout autre.
Intrigué par ma présence sur ce territoire forestier, il doit se demander
quelle drôle de volaille sans plume (et possiblement non comestible) je peux
bien être...
En fait d'oiseau rare, je suis surtout un hôte sacré des bois. L'homme le
plus sauvage de ce siècle, l'incarnation à deux pattes la plus éloignée du
bipède contemporain, le solitaire le plus proche de la faune qui soit. Mais ça,
il ne le sait pas.
Je crois même être encore plus rustique que ce raffiné quadrupède à la
queue en forme de panache. Avec ma cloche de paille sur la tête et mes semelles
comme des bûches, j'apparais tel un natif de la sylve, l'ami des arbres, le
confident des souches, l'ombre de la forêt.
Ou peut-être, sa lumière
J'essaie souvent d'apprivoiser le goupil, en vain. Craintif, il me fuit dès
que je tente de m'approcher de lui, ne m'observant que de loin.
Il vient régulièrement m'espionner, se tenant à chaque fois à bonne
distance. Que me veut-il au juste, ce rusé animal ?
Il me plaît à imaginer qu'il ne soit pas uniquement mû par des intérêts
bassement alimentaires, simplement mené par ses instincts, mais qu'il soit
également animé par des raisons que j'ose qualifier de "supérieures".
Pourquoi, d'ailleurs prêter systématiquement aux bêtes des sentiments de
brutes ? Ne sont-elles point capables d'amour, elles aussi ? Ainsi, avec un peu
d'espoir et beaucoup de patience, fort naïvement je l'admets, j'attends que mon
visiteur vienne enfin me manger dans la main. Autrement dit, qu'il devienne le
premier invité officiel de mon ermitage.
Le vent contraire finira-t-il par l'emporter loin de chez moi ? Ou le
temps, bien au contraire, le conduira-t-il audacieusement jusqu'au seuil de ma
porte ?
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