Au pied de mon repaire forestier, j'ai fait pousser des patates.
Mon jardin
est aussi un des grands terrains de jeu de ma condition d'ermite. Lorsque j'ai
les mains dans mes plantations, je deviens encore plus sensible aux miracles de
la féconde nature. Et mes pensées, excitées par ces merveilles, s'envolent pour
parcourir des distances cosmiques. Ou bien elles se focalisent pragmatiquement
sur le terreau que je remue. Mais peu importe, quand je suis occupé à creuser le
sillon, ma tête se remplit toujours de bonnes idées et mon coeur de bons
sentiments.
Bref, dans ce carré de rêves et de réflexions que constitue mon potager, je
produits de quoi enrichir ma vie de pauvre.
C'est ainsi que, penché sur mes tubercules, le front tout près des mottes,
je voyage dans des hauteurs vertigineuses. Tout en m'adonnant soigneusement à
mon ouvrage horticole, je pense à des mondes extraordinaires, à des prodiges
insoupçonnables, aux profondeurs de l'Univers, aux feux galactiques, mais
également aux prochaines marmitées de pommes de terre que je me confectionnerai,
aux soupes issues de mes cultures que je savourerai bientôt, aux herbes
aromatiques que j'y ajouterai...
Et je passe des heures à travailler mon clos de légumes, le regard enlisé
dans le compost, des étoiles pleins les doigts. Alors, en moi ces diverses
choses se mêlent et ne font plus qu'une seule vérité : les astres, les carottes,
les navets, les constellations, les féculents comme les nébuleuses : toutes ces
réalités sont porteuses de flammes à mes yeux. Je ne vois plus que de la lumière
: celle de la divine intelligence. La beauté et la bonté de la Création
s'expriment aussi bien à travers mes primeurs qu'aux fins fonds des espaces
sidéraux peuplés de myriades de corps célestes...
Puis ma journée achevée, fatigué de ma besogne, satisfait de mon oeuvre,
récompensé de ma peine par ma récolte, je rentre dans ma masure pour allumer ma
cheminée et préparer le repas du soir.
Plus tard dans la soirée je somnolerai au bord de l'âtre après avoir
dégusté les fruits de mon jardinage, heureux, le ventre réchauffé par mon bol de
soleil.
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