Je l'aimais depuis une éternité.
Certes, mes efforts de conquête étaient vains, l'insensible jeune fille me destinant de tout temps son invariable froideur. Cependant ma flamme ne s'éteignant toujours pas, j'insistais.
Sans illusion mais non sans ténacité.
Je la rejoignis pour la centième fois sur le banc dans le parc. Avec mon silence pour seule éloquence.
Avait-elle au moins deviné ma fièvre à son endroit ? J'en doutais encore...
Bien que je fusse follement épris, je demeurais pétrifié de timidité en m'approchant de l'objet de mes tourments. Et à chaque fois je n'osais rien d'autre qu'attendre. Dans le vide. Espérer un miracle. Voir s'ouvrir le ciel, c'est-à-dire ses bras.
Evidemment, jamais rien ne s'était produit. Juste une immense lassitude dans mon coeur et de la glace dans le sien. Pourtant j'étais là, près d'elle. A recommencer ce manège stérile et déprimant.
Je regardais droit devant moi et celle pour qui je brûlais lisait, comme d'habitude.
A ses yeux je n'existais pas, tandis que pour moi elle était tout.
Mais cette fois une chose extraordinaire brisa le sempiternel rituel de ce navrant immobilisme, tel un coup de canon dans le néant !
Du coin de l'oeil je vis se déployer sa cape et sentis même sa dentelle effleurer ma main.
Je n'osai plus bouger !
Enfin, un geste d'intérêt de sa part ! Enfin une audace !
Une joie indicible m'envahit, des années de solitude et d'espoir gelé allaient se concrétiser par un feu de jours radieux !
Je me tournai alors vers la liseuse, fébrile.
Elle lisait toujours. L'air impassible.
Puis quitta son livre pour me jeter un regard étonné et interrogateur.
En fait elle n'avait bougé ni ses pensées ni le petit doigt.
Et je tombai dans un gouffre de déception en comprenant mon erreur.
Le vent, pour m'offrir ce mirage, avait simplement soulevé un peu de tissu.
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