Aujourd'hui plus que les autres jours, tout pleure autour de moi : les murs
suintent de la grisaille, le plafond est chargé de ténèbres, le sol s'ouvre telle une
fosse immense et du haut de ma tristesse je chante ce deuil éclatant.
Etant donné que je suis une nature positive, je décide vaille que vaille de monter lorsque
tout me pousse à descendre pour mieux me faire chuter. Je préfère marcher à
contre-courant des forces stériles qui essaient de m'entraîner vers le bas plutôt
que hurler avec les fous. Il m'est plus bénéfique de tenter de capter du beau, même provenant de la boue, que de me laisser
aller au désespoir.
Je veux voir de la lumière là où règne le néant. Coûte que coûte, et peu m'importe que cette lueur soit douce, tranchante ou sévère. L'essentiel est de percevoir ce peu de clarté au coeur de l'obscurité.
Ainsi, à mes yeux la nuit de brumes et de chagrins où je gis vaut un
firmament de constellations : les ombres qui peuplent mon univers carcéral y brillent aussi
mystérieusement que des étoiles. Et ma cellule plombée s'illumine de rêves blafards.
Je m'efforce de regarder les réalités sinistres sous un angle plein d'intelligence, de manière à m'en réjouir au lieu de m'en désoler.
Je transforme les larmes, la laideur et la déprime en sources d'émois esthétiques. Et fais un spectacle de l'ambiance mortelle où le sort me plonge... Loin de me noyer dans les profondeurs de ma geôle, au contraire je m'envole : la souffrance me donne des ailes. Et ce n'est plus alors un brouillard qui m'entoure, mais un nuage sublime que je contemple en artiste.
Je considère ces astres sombres comme autant de beautés sépulcrales dignes
d'être célébrées à travers mon regard d'incarcéré. Ces transports d'esthète sont
les derniers trésors encore vivants qui demeurent au sommet de mon âme. Ma fibre
poétique reste intacte : je suis capable de m'enflammer face au théâtre de la
mort et la glace.
Je choisis de me réchauffer au feu des spectres et évite ainsi de me
changer en statue de marbre.
Du fond de ma captivité je suis un caillou qui ressemble à un diamant, pareil à un gueux paré des vêtements d'un roi, aussi déshérité que fabuleusement riche : ne me laissant pas abattre pour un sou, j'invite le bourdon, le cafard et le boulet à entrer en fête !
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