Je livre le trésor dérisoire de ma pauvre vie au peuple des ombres qui m'écoute encore : les rats, les loups et la vermine peut-être, si nul homme ne daigne plus tendre l'oreille à l'épouvantail en taule que j'incarne.
Sinon, s'il en reste quelques-uns sur Terre, que ces rares humains assez fous et généreux pour entendre les dernières volontés d'un bandit de mon espèce prennent en considération ma cause.
Vous allez lire ici le testament d'un criminel au bout de son enfer terrestre, à la fin de son oeuvre misérable, au seuil d'un Ciel censé être fait pour les repentants.
Hors des murs de cette prison je fus une bête, à l'intérieur je suis devenu un fantôme. Un spectre qui ne possède aujourd'hui aucune autre richesse que ses rêves. Au cours de mon existence de reclus, je n'ai rien amassé qui vaille pour ce monde. Juste de quoi ne pas me laisser sombrer dans le noir : de précieux éclats de folie et de fastueux firmaments virtuels produits par mon esprit en détresse. Des choses sans valeur pour ce siècle.
Je ne peux faire mieux dans cette cellule où j'agonise que de vous proposer l'impensable : prenez donc tout ce que j'ai, vous les gens libres, vous les âmes vertueuses, vous les vivants du dehors, vous les joyeux oiseaux de l'extérieur.
Tout est dans les chiottes de ma geôle.
Dans cette gueule puante vous trouverez le contenu de plusieurs décennies de solitude. Au fond de ce gouffre putride vous découvrirez également des milliers de jours de cafard. Au sein de cette fosse innommable, assurément vous verrez gésir des tonnes de pensées sombres. Des amas de ténèbres toujours fumantes.
Je vous les destine.
A défaut de vous adresser mes idéaux poétiques qui de toute façon, je le devine du haut de ma tranchante lucidité, ne vous feront ni chaud ni froid, je vous envoie l'essentiel de ma merde à la face : mes larmes versées dans le silence de ma réclusion.
Bien qu'amplement méritées, je ne voulais pas qu'elles demeurent pour autant sans témoin.
J'ai trop sangloté contre mes barreaux d'acier. La compassion de mes semblables m'a manqué. Allez donc, mes frères heureux, vous pencher sur ce trou dans lequel j'ai enseveli une perpétuité de pesanteurs. Le poids de mes peines.
Là est le seul legs qui m'allégera réellement.
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