Mes forces commencent à m'abandonner et je perds le goût de consumer mes derniers
jours. Je me détache peu à peu des réalités de la Terre. Le trou final est
proche. Je vais me laisser emporter sur la rive suprême sans résister. J'ai
peur, oui. Pourtant je suis heureux de partir. Trop las pour respirer encore telle
une taupe dans cette cellule devenue mon foyer ultime, je veux quitter cet enfer
minuscule pour de nouveaux espaces, mêmes inconnus.
J'ai payé le prix exorbitant de mon crime exorbitant.
Pour ainsi dire, un siècle enfermé dans ce carré bétonné. Ce fut mérité ! A
présent je me vide du peu de lumière qui me reste. Les conséquences de mes actes
m'ont fait aller au bout du bout. Et mon calvaire se termine. Il est temps pour
moi de fixer la mort droit dans les orbites. Je la redoute tout en la bénissant.
Si elle doit me faire mal, ce sera toujours moins douloureux que cette existence
de réclusion perpétuelle. Dans cette geôle j'ai assez souffert, assez espéré,
assez mangé, assez dormi, assez rêvé et assez chié !
Les gardiens savent tout autant que moi que ma route s'achève, ils ont
l'habitude de voir des condamnés mourir en captivité. Ils ne me traitent pas
différemment que les autres qui demeurent en bonne santé. Aucun traitement de
faveur de leur part et ils ont bien raison ! Ils se rendraient totalement
méprisables à mes yeux s'ils s'abaissaient à devenir des garde-malades pleins
d'onction, de flasques auxiliaires de vie, de sirupeux confidents, voire de
grotesques psychologues... Mon extinction au sein de ce monde carcéral prendrait une tournure
ridicule.
Je les aime et les respecte en tant que chiens méchants, mes cerbères ! Non
en carpettes.
Leur uniforme, leur dignité, leur froideur, leur attitude règlementaire me
mettent en permanence à ma véritable place, là où je dois être dans les faits,
et surtout pas ailleurs. Mes larmes, mon désespoir, mes maux, ça me regarde. Je
ne demande pas de recevoir de caresses, mais la seule et juste rétribution qui
me revient. Que mes geôliers restent donc des matons purs et durs ! Et qu'ils me
considèrent avant tout comme un prisonnier, non comme un moribond à soigner, à
plaindre ou à border ! Garder un visage de roc, laisser une image de marbre
constituent pour moi les vraies priorités à l'égard du personnel
pénitentiaire.
Je m'alimente au minimum de mes besoins. Mon corps se dessèche. Mon esprit divague. Ma chair se meurt. Je vise l'horizon. J'ai soif d'océan.
J'attendais
depuis si longtemps ces premiers signes du commencement de la fin...
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