La grande mystification chez les initiés de la spiritualité se résume à peu
de chose : l'habit.
Avec leur bout de tissu, ces âmes supérieures essaient d'éblouir les gogos
que vous êtes.
Tous ces porteurs de toges en réalité sont des clowns.
Pape, Dalaï-Lama, imams, rabbins, tous médiatisés, sont les plus célèbres
pitres. Mais il y a également les autres, moins illustres, voire décriés :
chamans, gourous, allumés du coin ou exotiques de maintes espèces, etc.
Connus du grand public ou non, ces adeptes de la visibilité à tout prix qui
arborent leurs glorieux apparats ont en commun leurs talents de gugusse.
Leur déguisement de chefs spirituels fait office de nez rouge.
Ce que vous ne soupçonnez pas, c'est que sous la bure austère du moine, la
mitre éclatante de l'évêque, les plumes dorées du sorcier indien, les couleurs
flatteuses du mysticisme, et même la nudité absolue du sadou, il y a
l'ordure.
Ou si vous préférez, l'ordinaire.
C'est-à-dire que derrière ces vitrines de noblesse, de sagesse, de pureté,
il y a... vous et moi.
Ni plus ni moins.
Ces petits dieux ne sont que des hommes : des bipèdes attachés au prestige
de leur image. Autrement dit des saltimbanques de l'illusion.
Des turlupins, des charlots, des bouffons.
Ce sont des humains avec leurs tonnes de défauts, leur part de merde, leur
lot de médiocrité, leurs minuscules mérites, leurs miettes d'intelligence, leur
vaste bêtise, leur immense vanité.
Bref, ce sont tout simplement des gens de la Terre, vos voisins, le quidam
que vous croisez dans la rue, vos amis, vos connaissances de bistrot, et même
vos têtes de Turc. Et surtout, votre propre reflet dans le miroir.
Sauf qu'ils sont vêtus comme des Arlequins de cirque. Pour faire plus
sérieux.
Personnellement, plus ces religieux tiennent à se signaler par leurs
costumes célestes, plus je les tourne en dérision.
Les seuls qui m'inspirent confiance, ce sont les ermites, les clodos
éveillés, les pouilleux et autres va-nu-pieds insoucieux de leurs apparences qui
sont en accord avec les sommets intérieurs qu'ils vivent.
Et encore, seulement si leurs haillons, leur crasse et leur laideur ne sont
pas des prétextes pour me séduire... Je dois encore être prudent et faire
attention à ce qu'auprès de moi ces mendiants ne se prennent pas pour des rois !
Mais en général ces ascètes puants respirent le bon air du Ciel.
Eux au moins, j'en suis sûr, ne tentent pas comme leurs "confrères
"endimanchés et haut placés dans leur théâtre de guignols, de me faire un numéro
de sainteté.
Ces derniers, pleins de leur ostentatoire autorité carnavalesque, sont bons
pour la piste aux étoiles !