Depuis
le sommet de ma tour d'ivoire j'avais repéré la guenuche car non seulement elle
se faisait remarquer par son extrême laideur, mais en plus elle s'évertuait à
perversement accumuler des immondices sur le seuil de sa masure.
Boiteuse, voûtée, énorme, avec un groin d'authentique
coche en guise de narines, un double menton lui conférant une allure des plus
grotesques, une bouche adipeuse de crapaude, sa face à faire peur ressemblait à
l'incarnation du péché. Son âme devait d'ailleurs être bien sale pour présenter
un visage aussi repoussant !
Cette
femme vivait avec une malsaine ostentation dans la misère, la crasse et le
déshonneur.
L'amoncellement de détritus au bas de sa demeure
pouilleuse témoignait de sa bassesse. Comme si à travers tant de hideur étalée
sans complexe à la vue de tous, elle voulait ironiquement rivaliser avec les
hauteurs étincelantes de mon château se dressant juste en
face...
Bien
entendu, je pris cet affront pour une déclaration martiale.
Entre
elle et moi il s'agissait de la guerre sacrée, symbolique, intemporelle,
universelle entre la guenille et la soie, l'indigence et l'écu, le laid et le
beau, le vice et la vertu. Avec fracas je devais châtier, humilier, ruiner, puis
résolument écrabouiller cette vermine !
N'étant
point capable de faire preuve d'éclat, la méchante représentante de la gent
porcine s'ingéniait à produire de l'abjection, pendant qu'avec lumière,
intelligence et noblesse, au contraire de cette sorcière j'organisais des fêtes
raffinées et opulentes pour mes pairs nantis et bien nés, offrais généreusement
mes baisers aux jolies demoiselles en dentelles, dans la joie diffusais moult
parfums floraux sous les lambris de mes salons où se pâmaient mes invités
mollement vautrés dans des fauteuils de prix...
Ce
laideron obèse répandait de l'excrément, passivement, bêtement, sans effort.
Comme le font tous les êtres vils, les gens mauvais, les rats nuisibles. Elle
pourrissait le monde de ses noirceurs et s'en réjouissait visiblement
!
Son
oeuvre prenait la forme odieuse d'un tas de fumier s'accroissant au fil des
jours devant sa maison. Il lui suffisait d'ouvrir ses orifices et de décharger
quotidiennement, parmi les déchets ménagers de son taudis, le contenu puant de
ses organes pour que fermente et s'alimente son orgueil mal
placé.
Chier,
vomir, égorger des porcs, éviscérer des poulets et tout déverser au bord de sa
cambuse, c'étaient là les seuls exploits à sa portée.
Saisi
par une sainte et salutaire colère devant cette personnification de la déchéance
humaine, je me mis en tête d'aller couper la sienne, purement et simplement !
Après la lui avoir bien enfoncé dans ses propres déjections ! A quelques
minutes de la faire trépasser, je voulus qu'elle respirât pleinement les fruits
de son "art" par les trous affreux de son nez épaté !
Coupable
d'être laide, grosse, pauvre, elle devait impérativement payer, et très cher
encore, d'avoir vécu bien trop longtemps sur cette Terre !
L'ordre
normal des choses de ce monde où je régnais en maître exigeait que cette verrue
bipède souffrît, hurlât, suppliât avant d'avoir l'infecte bobine définitivement
séparée de son corps monstrueux.
Promptement je fis dresser une guillotine à côté de l'amas de purin qu'elle avait fait naître : ni plus ni moins le pur l'aveu de son
crime. Autour de moi le monde lustré et privilégié de mes sphères
aristocratiques assistait au spectacle, ravi de voir ce furoncle punit de
l'échafaud.
Les précieux messieurs applaudissaient, les mondaines
gloussaient.
Auprès de cette femelle en haillons, mes
amantes n'en paraissaient que plus belles. Elles rayonnaient dans leurs décolletés de broderies fines, hautaines,
charmantes, délicieuses...
La condamnée à genoux au pied des chiures de sa vie attendait son supplice, tremblante, n'osant pas regarder le couperet qui luisait sous le Soleil vernal, préférant fixer l'ordure issue de ses boyaux pour mieux échapper à la vue de la lame au-dessus d'elle. Décidément, la simiesque carne devait finir plus indignement qu'on aurait pu l'imaginer... Cependant, elle l'avait bien mérité !
Consciencieusement, rageusement, et avec le sentiment suprême de l'homme juste agissant dans la plénitude son bon droit, de ma lourde botte j'écrasai sa sinistre figure contre sa fange malodorante.
Dans les flots irrépressibles de mes rires cruels, hilarité partagée par tous, j'enfonçai le museau de la bête jusqu'au fond de la géhenne. La matière répugnante composée du sang putride et des intestins d'animaux qu'elle avait écorchés, mêlée de la poussière et de la boue provenant de son foyer insalubre, lui maculait les traits jusqu'au cou : le masque fétide cachait désormais avantageusement la disgrâce naturelle de son faciès.
Et c'était bien mieux ainsi !
C'est avec cette apparence d'infamie qu'on l'étendit sous la potence.
Sa citrouille au muffle boursouflé roula et tomba dans la merde. La cochonnerie était retournée à la puanteur.
Justice venait d'être rendue !
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