samedi 12 juillet 2025

2376 - Un chemin sans fin

Ma route, cette longue et droite marche vers la lumière, se poursuit loin des hommes, hors de ce siècle, en secret sous les arbres. Je vogue paisiblement dans les sommets de ma solitude, ayant dépassé depuis longtemps les étangs de petitesses et les marécages de lourdeurs de l'existence. Je n'ai nul regret, aucune déception, pas le moindre déplaisir : j'avance sans me retourner. Trop heureux de pouvoir cheminer chaussé de mes sabots, l'âme toujours plus légère, je déploie mes bras aériens de jour en jour, visant l'horizon, les nuages, le firmament.
 
Cette forêt est mon vaisseau de verdure me menant aux étoiles, une cathédrale de bois m'emportant dans un ciel plein d'éclat et de profondeur, une voile d'anachronisme traversant l'océan de la modernité.
 
Ignoré de tous, libéré de toute vanité, détaché du superflu, je n'ai plus que des fulgurances de pur esprit, des vues de géant, des essors d'oiseau.
 
Au niveau de mes pieds les évidences semblent banales, figées dans un modèle d'éternelle inertie, sans autre avenir que la répétition incessante de leurs apparentes platitudes. Mais ce n'est qu'une illusion, en réalité toute fosse devient pour moi une véritable ascension.
 
Une occasion de monter, une opportunité pour m'envoler.
 
N'importe quel trou dans la terre s'ouvre fatalement sur l'azur. Et là où je me trouve, à l'ombre de la sylve, il y a un infini lumineux au-dessus de ma tête. Et rien pour me distraire et m'empêcher de lever les yeux ! Pas une seule chaîne pour me retenir au sol ni de poids pour m'entraîner vers le bas. Ce refuge forestier n'est pas une prison mais au contraire l'école de la liberté.
 
Dans ce cadre sylvestre je ne régresse pas comme pourraient le croire certains. J'évolue.

Mes semelles, aussi pesantes et grossières qu'elle paraissent, par la force des choses me dotent d'ailes : je me suis débarrassé des futilités de ce monde pour mieux progresser dans la voie royale des êtres supérieurs qui s'élèvent dans l'éther. Les grands éveillés de mon espèce empruntent naturellement des directions verticales. Je ne me satisfais que de l'essentiel : pour savourer le vrai nectar de la vie je n'ai besoin que de quelques fagots, de ma marmite, de la flamme de mon foyer et de la plainte des corbeaux.

Même mon chapeau est de trop. 

Je suis parti dans ma retraite vers les hauteurs célestes pour une éternité d'océaniques fraîcheurs et de divines clartés. Je laisse derrière moi tout ce qui est voué à périr et garde mon souffle pour ne m'attarder que sur les beautés de la Création.

Lorsque s'achèvera ma carrière terrestre, la planète m'aura oublié tout à fait. J'aurai atteint le royaume des porteurs de galoches, au-delà du Soleil lui-même.

De mon passage sur ce globe, il ne restera qu'un peu d'humus.

vendredi 11 juillet 2025

2375 - Mon univers infini

La forêt où j'évolue ressemble à un océan et à un trou tout à la fois. Un îlot aux allures de continent. Les limites géographiques de ce monde constituent, paradoxalement, une démesure pour mon âme.
 
Un cloître borné pour mes pas, un espace infini pour mes ailes.
 
Mes jambes parcourent chaque jour l'intérieur de ce terrain aux dimensions définies, mais mon esprit vole bien au-delà de ce cadre physique. Ce coin imperceptible du globe terrestre ne représente qu'un point insignifiant sur la carte, et nul ne prête une particulière attention à cette anodine étendue de verdure où j'ai pris racine.
 
Pas un seul élément spectaculaire n'attise la curiosité des hommes ici. Pour le citadin qui a tendance à poser sur ce genre de chose un regard profane, ce lieu évoque l'ennui, la déprime, le néant. Selon lui il n'y a rien à faire dans ces bois, à part y croupir et y mourir d'inertie. Voilà précisément la raison pour laquelle cet endroit pareil à mille autres est l'incarnation parfaite de mon éden !
 
Pour ma part, je pense au contraire que dans ce désert d'arbres, d'herbes sauvages et de silence tout est à découvrir, explorer, expérimenter. Dans ces conditions de solitude prédisposant à la méditation, la moindre réalité de cet univers que l'on qualifie d'ordinaire prend fatalement des envergures cosmiques, comme tout ce qui a été créé partout ailleurs.
 
Entre ce théâtre anonyme aux apparences faussement banales où se joue mon sort d'ermite et d'autres sites estimés plus "sensationnels" par rapport aux critères de ce siècle, objectivement il n'existe aucune différence. Le même créateur a formé ces merveilles, petites ou grandes, simples ou plus sophistiquées, ternes ou éclatantes, rares ou communes... Certains les appellent des "platitudes" lorsqu'elles ne répondent pas à l'idée étriquée qu'ils s'en font.
 
L'oeil de l'éveillé, où qu'il se porte, ne verra que des miracles. Celui du blasé instaurera une hiérarchie artificielle dans les oeuvres divines. Une échelle établie d'après ses références à lui, bêtement touristiques, bassement consuméristes ou arbitrairement esthétiques.
 
La personne hautement consciente reconnaîtra, sans jamais la filtrer, la lumière céleste venant de toutes les directions. Et cette clarté universelle touchera son coeur de manière certaine. Tout apparaîtra sacré à ses yeux. Tandis que l'être vulgaire aux sens émoussés ne s'émerveillera que des cartes postales et négligera le reste de la Création.

Loin de toute image d'Épinal, et même si cela ne se remarque pas au premier abord, la planète minuscule où je vis est en vérité le royaume des albatros en sabots.

jeudi 10 juillet 2025

2374 - Je ne suis pas de la ville !

Moi je suis une bête de la forêt, un hôte des terriers, une taupe de l'humus. Et certainement pas un émotif de la ville, un délicat des salons, un amateur de thé.
 
Je mange mes patates avec mes pattes d'ours, dors sur un matelas de foin, plonge ma face hirsute dans les flots glacés de la rivière. Mes frères issus de la sylve, ce ne sont point les hommes parfumés mais les sangliers puants.
 
Je ne fais pas de manières. Chez moi c'est spartiate, dur, franc, direct. Les chichis, c'est pour les chochottes. Et j'appelle un chat un chat. Les rats chient dans mes sabots et les souris nichent dans mon chapeau. Je n'en fais pas une affaire d'état pour autant. Cela ne m'empêche ni de marcher dans les fourrés ni de porter mon couvre-chef sous le clair azur.
 
Les mondains des grands boulevards ne m'impressionnent guère avec leurs semelles lustrées et leur beau parler. Moi je ne fais pas dans la langue de bois mais dans le poing sur la table ! A la place des mots chics, j'utilise la pogne de choc.
 
Et s'il le faut je peux aussi appuyer mon propos à coups de pieds au cul de quiconque ne comprend pas.
 
Je crache dans le feu comme un vrai seigneur de la friche que je suis et piétine de mon talon d'ogre les insignifiances citadines qui ne valent rien à mes yeux. Sous mon toit de roi des rondins ce n'est pas le règne de la dentelle et de la soie mais la rudesse des bûches et le confort d'une étable.
 
Je ne partage certes pas mes repas avec des marquises vaporeuses ou des parisiennes élégantes mais avec la tranchante solitude de mon ombre d'épouvantail. Avec mon couteau planté près de la cruche pleine d'eau de pluie et sous mon nez la tranche de pain accompagnée de la gousse d'ail, je ferais un piètre cavalier de soirée pour ces dames ! Je suis bien mieux à mon aise en compagnie de l'austère flamme du foyer et des voleurs de miettes bien-aimés qui rampent sous mon lit plutôt que dans les artifices et superficialités des conversations oiseuses de ces précieuses personnes aussi frileuses qu'écervelées.
 
Et puis je dois l'avouer, le cri sépulcral des corvidés est plus cher à mon coeur taillé à la hache que le chant sirupeux de ces rossignols affublés de broderies fines. J'ai trop besoin du baiser de la rocaille et de la caresse de l'orage pour combler mon âme âpre et anguleuse.
 
Je ne pourrais accorder mes égards qu'à la bergère assez tendre et sauvage à la fois pour accepter de se faire croquer toute crue par le loup !
 
Définitivement, je ne suis pas un joyau urbain de ce siècle.
Désormais je joindrai les brouillons de mes textes afin d'agrémenter mon blog. Mais ces papiers noircis ne sont pas systématiques : uniquement lorsque je rédige mes oeuvres loin de chez moi, en pleine nature la plupart du temps. Les plus curieux d'entre vous pourront consulter la totalité de mes manuscrits archivés ici : https://lune7.blogspot.com/

2373 - Seul parmi les arbres

Niché au fond des bois en compagnie de la sublime solitude avec qui je m'entretiens du matin au soir, je me réveille à l'aube avec le projet d'atteindre la glorieuse étendue de la journée, avec ou sans vagues, en attendant de rejoindre l'ombre éclatante du crépuscule.
 
La friche, les épines et les cailloux m'appartiennent ; je suis le roi de la forêt ! Dès que je sors de mon antre, je me retrouve les sabots dans l'humus, au sommet de mon royaume.
 
Je salue alors les souches mortes de mon chapeau troué, tends la main aux ronces, m'enivre de brume et rêve de pluie, chante avec les corbeaux l'hymne funèbre du jour, rends grâces au ciel pour ses flots de grisaille généreusement déversés sur mon ermitage...
 
Les arbres qui m'entourent remplacent avantageusement la foule humaine des villes. Leur figures anguleuses, leurs peau rugueuse, leurs allures de légendes m'effraient dans les ténèbres, me charment dans la blancheur du brouillard. Mais ne m'inspirent jamais ni ennui ni froideur.
 
Avec leurs grands airs de centenaires, leur hauteur d'ancêtres enracinés, leur face de géants aux rides augustes, ils incarnent mes propres profondeurs comme mes légèretés. Ils sont les reflets de mes secrets et de mes clartés, de mes nuits et de mes lumières, de mes pierres sombres et de mes flammes radieuses.
 
Tantôt spectres sinistres, tantôt seigneurs hautains pleins de majesté, ils peuvent se montrer cauchemardesques sous la tourmente ou bien lumineux sous l'azur.
 
Et apparaissent également tels des fables vivantes, soit avec leurs efflorescences enchanteresses du printemps, soit avec leurs lambeaux dorés de l'automne. Et là, ils deviennent féeriques parmi les fleurs mourantes et les feuilles séchées.
 
Ce peuple de tronches sylvestres est un palpitant livre de littérature aux pages séculaires dans lesquelles je m'enfonce et me perds, une source de contes d'un autre temps qui me fait frissonner, une réserve cachée de mythes et de mystères pour les hommes-loups de mon espèce.

Seul avec la gent feuillue mais pas abandonné pour autant car en réalité je suis au coeur d'une multitude de vieilles branches qui me racontent leurs folles histoires.

mercredi 9 juillet 2025

2372 - Au bout des chemins

Les chemins autour de ma demeure sont balisés par des souches, des buissons, des pierres et des terriers divers.
 
Ces repaires du quotidien constituent de fortes assises qui me permettent de progresser sans perdre de vue les racines de mon bonheur simple d'ermite.
 
Ces sentiers ne sauraient se prolonger pour moi au-delà des bornes de la forêt. Je n'en verrais nul intérêt. Dès lors mes voyages deviennent nécessairement verticaux. Allonger le pas à partir du seuil de ma porte pour arriver au pied des arbres, c'est m'engager dans une aventure à portée de vue, entreprendre une démarche à échelle de mon humanité, m'envoler à la conquête d'un monde situé à la hauteur de mon chapeau, découvrir une nouvelle journée à travers mon regard certes modeste mais plein d'acuité.
 
Parcourir les recoins de mon éden Sylvestre revient à faire le tour de la Terre car mon univers de verdure représente le cosmos en miniature et la Création produit les mêmes miracles partout.
 
Cet espace délimité où je suis reclus me mène aussi loin que n'importe quel avion ou fusée, puisqu'à l'autre bout de la planète ou sur la Lune, je me trouverai face au mystère. L'émerveillement ne changera pas.

Ici ou ailleurs le ciel apparaîtra toujours aussi vaste, la lumière brillera aussi divinement et les mots pour le dire ne seront pas plus grands.
 
Tout est si riche et abondant sous mes yeux que de toute façon je n'aurais pas assez d'une vie pour percevoir chaque éclat que compte mon paradis de friche. Ici, je respire l'air de mes habitudes et chemine avec mes sabots : je retombe tous les soirs devant ma cheminée comme un rituel établi rempli de sens. Pas de place ni pour l'erreur de parcours ni pour les routes de traverse.

Je file droit vers l'essentiel : les clartés de l'azur, les flammes de mon foyer, le contenu de ma marmite. Mes sommets se résument aux proches réalités de ma routine. Et mes ivresses commencent lorsque sous ces humbles choses et anodines apparences, je sens que des profondeurs se cachent et me dépassent.
Désormais je joindrai les brouillons de mes textes afin d'agrémenter mon blog. Mais ces papiers noircis ne sont pas systématiques : uniquement lorsque je rédige mes oeuvres loin de chez moi, en pleine nature la plupart du temps. Les plus curieux d'entre vous pourront consulter la totalité de mes manuscrits archivés ici : https://lune7.blogspot.com/

2371 - Mon trésor

Avec le peu que m'accorde la nature, je suis encore bien heureux de vivre dans mon refuge. Mes richesses sont sobres, limitées et difficilement accessibles pour certaines d'entre elles. C'est ce qui en fait le prix, justement. Non seulement je m'en contente, mais en plus j'en fais des festins. Et lorsque mes maigres récoltes ne suffisent pas, je vais quérir le reste de mes besoins dans des fermes hors de la forêt.
 
Je suis pauvre en réalité aux yeux du monde, avec mes humbles sabots, mon chapeau troué et mon gîte sans électricité. Mon feu de cheminée réchauffe cependant mes murs et éclaire mon âme. Cette seule braise placée au centre de mes jours apporte assez de légèreté dans mon coeur pour que je la produise en toutes occasions. Les moindres ombres en moi se dissipent devant le foyer qui s'allume, et je me laisse facilement emporter par les ailes flamboyantes qui surgissent de l'âtre.
 
Plus d'un citadin avisé m'affirmera qu'une simple flambée ne remplit pas une soirée entière de rêves authentiques et de satisfactions complètes. Bien sûr que si ! Et bien mieux que n'importe quel écran. Le profane au regard corrompu et à l'esprit déjà mort se réjouira des noirceurs, violences, laideurs et vulgarités débitées par ses appareils, et trouvera sans intérêt, ennuyeuse, vide et triste la flamme pure issue des bûches. Les horreurs qui sortent des portables greffés à sa main et des écouteurs plantés dans ses oreilles l'empêchent d'apprécier les beautés naturelles qui l'entourent.
 
Le bipède connecté, coupé de l'essentiel, déraciné du réel, se croit en contact permanent avec ses semblables, alors qu'en vérité il demeure reclus dans sa bulle. Son environnement social est composé d'autres aliénés de son espèce. Voilà le pitoyable exemple d'un ermite déboussolé, exilé dans le virtuel !
 
Quant à moi, si proche de la terre et de ses éléments vivants, j'ai heureusement su préserver mon humanité. Sous mon toit sans fil j'accède à une paix intemporelle et baigne dans une harmonie universelle. Aucun branchement chez moi ! Mon habitation est directement reliée aux étoiles. La nuit m'offre une vraie source de lumière et de joie.
 
Le firmament représente ma plus belle toile de cinéma.

La civilisation ne pourra jamais remplacer ce bien qui m'est si cher car, je dois le dire, mon trésor se nomme "solitude".

mardi 8 juillet 2025

2370 - Les cumulus

Depuis les profondeurs de mon ermitage, propices aux contemplations, je demeure particulièrement réceptif à la paix des cieux comme aux orages qui y éclatent. Attentif aux divers spectacles que m'offre la Création, j'ai maintes occasions de m'extasier.
 
Loin de me morfondre dans mon trou, ce dernier est le point de départ de mes multiples envols. Mille causes me font lever les yeux vers la lumière.
 
Ainsi j'assiste régulièrement à la féérie grandiose des cumulus qui voguent au-dessus du monde. Etendu dans l'herbe, j'admire ces champs de nuages pareils à de somptueux blocs de banquise. Et je voyage dans un rêve de blancheur, emporté par les ailes de la poésie et déposé sur le dos des étoiles. Ces nuées ressemblent à une forêt traversant l'azur : j'ai l'impression de voir passer une masse compacte d'écume composée de milliers d'arbres blancs... Le reflet allégé, idéalisé, purifié, blanchi de ces bois pleins d'ombre et de densité où je vis.
 
Je ne perçois plus qu'une mer lactescente qui envahit l'espace céleste. Des icebergs de légèreté qui filent dans les airs. Une avalanche de neige roulant vers l'infini avec des lenteurs divines. Des vagues géantes, augustes et sereines se mouvant mollement dans l'atmosphère.
 
Autrement dit, l'incarnation de l'éther sur Terre. L'extrême élégance de l'apesanteur. Le ballet éolien de la matière remplie d'esprit. La preuve que toutes les lourdeurs du sol peuvent s'élever et voltiger dans des sphères supérieures. L'eau qui croupit sous forme de fange s'évapore peu à peu et se transforme en pure beauté, là-haut. N'est-ce pas l'illustration la plus parfaite de la sacralité de l'Univers ?
 
On dirait des montagnes volantes, un océan ailé, un continent flottant. Quelle majesté !
 
Et je rejoins ces âmes gigantesques, ces anges himalayens, figé sur le plancher des vaches, le regard illuminé par ce théâtre aux dimensions cosmiques.
 
Et tandis que ces fabuleuses volutes nivéennes parcourent l'immensité, je m'attarde à mon poste d'observation jusqu'au crépuscule...
 
Telle une horde de paresseux pachydermes en marche vers de radieux horizons, l'armée de nébuleuses continue son défilé aérien au-delà de ma vue. Alors que ces fumées de l'Olympe prennent la direction de l'éternité, le jour s'estompe autour de moi.

Et la nue s'efface progressivement dans la mélancolie du soir.

lundi 7 juillet 2025

2369 - Qui donc m'observe ?

Je ne suis pas seul dans mon ermitage !
 
Cette fois j'en suis sûr, on m'observe. Certains jours en ouvrant ma porte je peux sentir planer une présence invisible à proximité de ma demeure. Un regard étranger se pose sur moi, je le perçois obscurément... Cet intrus est posté non loin de mon refuge et m'épie. Il a beau se cacher, je le vois quand même : il y a des signes qui ne trompent pas.
 
Je me rends compte qu'il se passe des choses anormales. Lorsque je vérifie dans les alentours je tombe sur des traces diverses, devine des formes sur le sol, remarque les herbes écrasées, détecte des anomalies, décèle des détails révélateurs, relève des indices suspects... Ce coin de la forêt est visité, assurément. Un inconnu occupe furtivement ces lieux. Il bouge régulièrement et se place en différents points à des distances relativement proches de ma maison pour m'espionner.
 
Qui rôde ainsi auprès de mon domicile ? Et dans quel but ?
 
Dès que je sors de chez moi, je me trouve aussitôt dans son champ de vision. Peut-être même qu'il parvient à me voir à l'intérieur, du moins en partie, à travers ma fenêtre.
 
Qui est ce mystérieux guetteur qui tourne autour de mon asile ? 
 
Un esprit curieux -et inoffensif- attiré par la singularité de ma situation qui s'amuserait à étudier de manière informelle, et assez indiscrète il faut le dire, mes moeurs d'ours ? Possible mais très peu probable. Un bandit cherchant l'opportune occasion pour ses crapuleries ? Il aurait déjà fracturé mon logement lors de mes nombreuses absences. Une belle rêveuse éprise de mes allures de vagabond céleste, de mes sabots de coureur des bois, de mon chapeau de seigneur de la friche et rêvant d'ébats enflammés sous la Lune avec le méchant loup ? N'y pensons même pas !
 
A moins que je ne me fasse des idées et qu'il s'agisse en fait de bêtes quelconques venues se réfugier successivement aux abords de mon cloître forestier, d'un hôte des fourrés ayant pris ses habitudes près de mes murs ou de je ne sais quel autre animal peu farouche nichant ici et là, potentiellement à portée de vue... J'ai bien repéré des fils d'origine indéterminée, de longs brins accrochés aux ronces. Etaient-ce des poils d'un des multiples représentant de la faune environnante ou des fibres provenant d'un tissu ? 
 
Ou alors il n'y a absolument personne, nulle âme qui vive, ni humain ni gibier, rien !
 
Pourtant j'ai constaté des empreintes inhabituelles, des faits étranges, des marques étonnantes...
 
Un fantôme ? Le vent ? Ma pure imagination ? En vain je m'interroge sur ce ténébreux sujet... Mais à quoi bon ? Je n'obtiendrai jamais de réponse satisfaisante. Finalement, autant ignorer cette affaire inexplicable et continuer ma route en silence.
 
Cette histoire restera définitivement énigmatique. Encore une fois, depuis les hauteurs de ma solitude, je prends conscience que mon isolement ne se résume pas qu'à de matérielles apparences et que derrière les brutes et tangibles réalités physiques se manifestent des phénomènes plus subtils.

Tout cela me porte indubitablement à croire qu'au sein de cette sylve gît un grand secret, et qu'un monde indéfinissable semble exister sous le voile de la matière.

dimanche 6 juillet 2025

2368 - Le loup

Un drôle d'oiseau se cache dans cette forêt.
 
Les arbres sont son dernier salut, son seul éden, sa demeure ultime. Avec son apparence grise, sa silhouette sombre, sa face pareille à une écorce, son pas auguste, sa présence incongrue dans les profondeurs de la sylve, il pourrait paraître effrayant. Et il l'est certainement.
 
C'est un loup.
 
Mais il ne sort jamais du bois, cet animal-là.
 
Au contraire il ne cherche qu'à fuir le monde, les humains, le bruit des villes et les fracas du siècle. De jour comme de nuit, il erre dans les moindres recoins de son univers végétal. Il lui arrive de s'éloigner de sa tanière à n'importe quelle heure, pour y revenir fatigué, trempé, affamé. Ce sont là ses us, ses désirs, sa vie. Son bonheur brut, assurément !
 
Sobre, fier, franc, solitaire, il consacre son temps à poursuivre des causes essentielles, sans cesse en quête d'air léger, de vent fou, de chemins clairs et d'aubes éternelles. Il ne prend que des directions verticales, n'avance que pour gagner en hauteur, ne marche que pour mieux s'envoler. Aucun piège ne l'arrête : il se gave de liberté et saute par-dessus toutes les lourdeurs du sort.
 
Son coeur de fauve a besoin du baiser des cailloux, des caresses de la glace et de l'étreinte du feu pour battre plus fort encore ! L'âpreté est son ivresse, la nature son alliée, l'épreuve sa force.
 
Peu d'hommes ont eu le privilège de croiser sa route : il reste toujours discret, furtif, insaisissable, se réfugie dans les plus secrets espaces de verdure, loin des passages fréquentés. Et le soir se terre dans son antre, entouré de feuillus et de silence.
 
C'est une créature de la friche née pour se rouler dans la fraîcheur de l'humus, respirer les flammes d'un céleste idéal et rêver d'amour au milieu des ronces.
 
En réalité je connais très bien cet être pas comme les autres qui hante ces lieux.

Cette bête sauvage, c'est moi-même. 

2367 - Cauchemar

L'isolement où je me trouve me permet de jouir de multiples sources d'agréments, inconcevables en ville. Et même si le prix à payer pour cette sauvage liberté est parfois amer, j'accepte ce revers. En effet, au sein de mon paradis de verdure, il m'arrive d'être en proie à diverses frayeurs. Cela fait partie de mes conditions de vie.
 
N'importe ! Je tire profil et délices de ces effrois car l'épine m'agrée au même titre que la rose ! Le cauchemar m'est aussi enchanteur que le rêve. Je goûte autant au frisson qu'au vertige, à la ronce qu'à la fleur, à la gifle qu'à la caresse.
 
Ainsi certaines de mes nuits sont agitées. Certes le vent qui souffle sur la forêt y est pour beaucoup, je crois. Mais cela suffit-il à tout expliquer ? Je préfère ne pas trancher définitivement sur ce point et admettre humblement que bien des aspects de la réalité m'échappent...
 
L'expérience m'a appris qu'au fond des bois tout n'est jamais totalement clair, quoi qu'on en pense. J'ai pertinemment conscience qu'en ces lieux plus qu'ailleurs, à un moment donné le mystère agit d'une manière ou d'une autre et qu'en dépit de toute attitude rationnelle, nul ne peut être sûr de rien.
 
La tempête seule n'est pas responsable de tous les troubles autour de moi. Lorsque par exemple en ces heures tardives il me semble entendre des coups contre la porte "Toc ! Toc ! Toc !", dois-je en conclure que trois branches viennent de s'abattre successivement sur le seuil de ma demeure ? Quand je veux vérifier la chose et que dehors je ne constate aucune marque particulière, dois-je supposer qu'Éole a déjà emporté ce trio d'indésirables juste après qu'elle se sont brisées sur le sol ? Difficile à consentir à une pareille théorie !
 
D'autres fois, tandis que les arbres ploient sous l'intempérie nocturne, je fais le tour de ma maison afin de contrer tout éventuel événement fâcheux. Et là, dans les ténèbres des traits diffus m'apparaissent. Je discerne des visages dont j'ignore s'ils sont amicaux ou diaboliques, humain ou bestiaux, réels ou imaginaires... De simples reflets dans l'obscurité de je ne sais quelles secrètes lueurs ? Je ne cherche pas toujours à identifier ce qui me fait face sous les ramures. Je tremble et suffoque de terreur, et sans m'attarder sur ces regards qui ont l'air de me suivre, je me précipite dans mon lit !
 
Et quel comportement dois-je adopter en voyant par ma fenêtre des formes s'animer sous les feuillus ? Aller à leur rencontre ? M'en approcher au plus près pour me rendre compte si j'ai affaire à des broutilles ou à des spectres, à des présences importunes ou à des fruits de mon imagination, à des morts ou à des vivants ? C'est précisément là que je manque le plus de courage !
 
Quels êtres rôdent de la sorte à proximité de mon refuge ? Qui me fait ces signes ? Qui sont les auteurs de ces farces terrifiantes ? Des gens malveillants ? Des âmes perdues ? Et s'il n'y a finalement personne derrière ces images et ces bruits, de quels étranges phénomènes suis-je la victime ? De caprices météorologiques ? De principes invisibles ? De lois qui ne sont pas de notre monde ? D'étrangetés de provenances inconnues ?
 
Ou, peut-être, de causes parfaitement explicables, tout simplement ?
 
Oui, mais lesquelles ?
 
Quoi qu'il en soit ces forces, qu'elles soient d'origine lointaine ou proche, se manifestent en ces occasions sous de sombres apparences.
 
Je ne dors plus et il me faut alors attendre que le matin me délivre de mes peurs. A l'aube tout redevient paisible, lumineux, banal. Le jour efface les noirceurs de mon insomnie.

Je me suis habitué à ces inquiétantes compagnies, sans souhaiter entrer en contact avec elles. Qu'elles passent et repassent donc ! Je les laisse venir et s'évanouir. Après tout, il est possible qu'elles ne soient que l'écume de la sylve.

samedi 5 juillet 2025

2366 - Un peu de foin

Depuis ce sommet hors du temps où je vis, il me faut vraiment peu de chose pour me combler de délices ! Mes trésors sont sobres mais me procurent de vifs plaisirs. Ainsi à la fin de l'été la simple vue des herbes sauvages aux environs de ma demeure me donne envie de les faucher pour en faire des gerbes que j'entasse ensuite chez moi.

Elles ne me servent à rien du tout, sinon à être exposées en guise de décor. Elles sèchent dans ma maison en répandant leur parfum de verdure jaunie.

Je ne fais pas d'usage particulier de ces bouquets de foin, je les entrepose juste pour le confort de mon âme, pour le caractère chaleureux de leur présence sous mon toit, pour leur odeur, leur aspect, leur proximité de nature avec la forêt, les pommes de pin et la Lune.

Ils n'ont pas de fonction utilitaire mais je puis quand même les utiliser de manière improvisée comme oreillers d'une nuit, coussins lors d'un repas ou les sacrifier à l'allumage du feu. Peu importe, ils m'accompagnent dans mes actes et rêveries du quotidien.

A travers la chaleur poétique se dégageant de ces tas de graminées rassemblés autour de l'âtre, mon gîte s'illumine d'une douce joie, alors qu'il est plongé dans une permanente pénombre. La magie de ces tiges coupées opère : leur esprit se diffuse dans toute la pièce.

J'ai l'impression d'être en plein champ.

En conservant ma blonde récolte entre mes murs, je ramène dans mon foyer un peu de crépuscule, un souffle de vent, deux ou trois chants d'oiseaux, quelques étoiles aussi.

Ce qu'il faut pour enchanter mon ermitage des éclats de l'automne naissant.

Le soir lorsque j'entre dans mon refuge de solitaire, je pénètre dans un petit paradis aux teintes champêtres que l'on prendrait volontiers pour un tableau de LE NAIN.

De fait, entouré de ces plantes sèches, j'habite au coeur de la beauté.
Désormais je joindrai les brouillons de mes textes afin d'agrémenter mon blog. Mais ces papiers noircis ne sont pas systématiques : uniquement lorsque je rédige mes oeuvres loin de chez moi, en pleine nature la plupart du temps. Les plus curieux d'entre vous pourront consulter la totalité de mes manuscrits archivés ici : https://lune7.blogspot.com/

2365 - Bain de crépuscule

Parfois aux jours les plus éclatants de ma retraite forestière, pris d'une furieuse exaltation poétique, je décide d'aller me jeter dans les flammes du crépuscule.
 
Avec mon chapeau sur la caboche, ma guenille de bête sur le dos et mes sabots de lourdaud des bois, j'ai l'air d'un spectre pittoresque hantant la forêt. Je ressemble à un épouvantail échappé de son socle, à une sorte de polichinelle dépenaillé au pas désarticulé par une joie soudaine.
 
Et je marche comme un dément à travers la sylve en direction de l'horizon en feu, le regard halluciné, haletant, étourdi, avide de sacrales lumières, assoiffé de rouges océans et de nues déchaînées, ivre de flots célestes mêlés de nuages sanglants, rêvant d'atteindre ces sommets illuminés de mes ailes de fou...
 
Je plonge dans le divin incendie vespéral, aussi léger qu'une âme désincarnée. Et je m'envole tel un oiseau fabuleux vers ces splendeurs sanguines qui déchirent le ciel.
 
Qui me verrait ainsi courir après les flamboiements de l'azur me prendrait certainement pour un aliéné en pleine crise ! Mais je n'ai nullement perdu la boule, tout au contraire je suis rempli de la véritable lueur de lucidité qui puisse encore exister en ce monde : celle que la Beauté octroie aux esprits purs, durs, crus.
 
Et je brille. De fièvre, de délire, de trouble aux yeux de certains, peut-être... Mais assurément, je brille.
 
Peu m'importe que ce siècle me raille : mes raisons, mes oeuvres et mes rêves ne sont pas les siens. Je ne cherche ni la reconnaissance des hôtes des salons ni l'approbation des poètes. Je me moque des moeurs temporelles, des vues en vogues et des prétendus sages de tous bords censés faire autorité. Ce qui compte pour moi, c'est la vérité tranchante au-dessus de ma tête, non les artifices de cette civilisation si éloignée de mon ermitage qui a remplacé les fééries de la Création par les néons de la ville et les séductions des écrans portables.
 
Je ne suis pas un mondain mais un coureur des chemins.

Et surtout, en cette heure glorieuse où le soir s'allume, mes pieds ne sont plus bêtement posés sur terre. Ils se situent bien plus haut que le sol nivelé des plats citadins. En me précipitant ainsi vers les merveilles embrasées du couchant, moi l'habitant des feuillus, moi le frère des arbres, je me place en réalité non pas au niveau des zélés égarés mais à l'altitude lumineuse des géants ailés.

vendredi 4 juillet 2025

2364 - Voyage sous un arbre

Du fond de mon exil de friche et de verdure, qu'ai-je besoin d'évasion extérieure ?
 
Mon aventure sylvestre, aussi statique qu'elle paraisse, est un chemin perpétuel à travers les cycles de la nature, eux-mêmes générateurs de nouveautés, d'imprévus, de surprises uniques.
 
Chaque jour est un rêve renouvelé.
 
A l'intérieur de cette odyssée immobile, du matin jusqu'au crépuscule je vais de sommets en racines, d'horizons en mares, d'azur en buissons. Le simple fait de m'étendre sous un arbre, c'est entreprendre un voyage vertical.
 
Là, sans quitter le sol où je me repose, attentif aux moindres réalités qui m'entourent, je pars en direction d'un firmament de feuilles et de branches où mon regard se perd. Je suis allongé sous une immensité à portée de main.
 
Et c'est comme si j'observais une galaxie, sauf qu'elle se trouve toute proche de moi. Face à cette silhouette de bois désignant les nues, l'émerveillement est quasiment le même.
 
Je ne perçois pas seulement le feuillus selon ses apparences immédiates, mais je le considère également à l'échelle moléculaire, avec ses fins rouages cellulaires et subtils échanges chimiques... Et c'est souvent à ce moment précis où le vent du lyrisme m'emporte loin dans de vertigineuses hauteurs spirituelles, poétiques ou philosophiques, que je reçois soudainement une fiente d'oiseau dans l'oeil ou bien un oeuf pourri sur la tête !
 
Quel réveil !
 
La Création a ses petites facéties qui tranchent tout en férocité et légèreté avec la gravité de ses lois. Ses farces sont la preuve que la Beauté ne manque pas d'humour.

Et c'est sous la merde d'un volatile ou dans la puanteur d'un ovule putride que se termine mon excursion vers les étoiles, un peu avant l'heure du repas du soir. Plus tard devant l'âtre je m'étonnerai encore de ces chutes ironiques d'ordures sur mon front.

J'ai fait ce trajet fantastique qui part de la pointe de l'Univers, s'attarde un peu dans les espaces éthérés de la pureté désincarnée pour arriver au pied de l'éclaboussante dérision.

Une vadrouille cosmico-forestière pleine d'humilité !
Désormais je joindrai les brouillons de mes textes afin d'agrémenter mon blog. Mais ces papiers noircis ne sont pas systématiques : uniquement lorsque je rédige mes oeuvres loin de chez moi, en pleine nature la plupart du temps. Les plus curieux d'entre vous pourront consulter la totalité de mes manuscrits archivés ici : https://lune7.blogspot.com/

2363 - Ma solitude de roi

Je me suis enraciné comme un chêne dans cette forêt sans nom, sous le ciel de l'oubli, trop heureux d'avoir trouvé dans ce trou assez de profondeur pour me couper de la modernité.
 
J'ai fait de cet océan d'ombre et de verdure mon paradis d'ermite.
 
Du fond de ces bois où je vis à l'ancienne, loin des vacuités du confort, à l'écart des artifices du siècle, ignorant les chaînes de la technique qui aliène les hommes au lieu de les délivrer, j'ai fait le choix de la radicale sobriété, autrement dit de la fulgurante verticalité.
 
Depuis cette altitude d'élite où je lévite, lourdement chaussé de mes sabots, je suis plus léger pourtant qu'un citadin banché sur le réseau électrique.
 
Je préfère la chaude proximité avec les cailloux plutôt que les froids contacts avec les écrans. J'apprécie mieux la relation vivante avec les pierres que les interactions sans âme avec la technologie. J'aime davantage la compagnie des rats contestés que celle des fats connectés. Il est plus sain pour moi d'être entouré d'arbres de marbre qu'encerclé d'ânes flasques. Les premiers favorisent une bonne respiration, les seconds m'étouffent.
 
Non pas que je sois misanthrope véritablement, ce sont simplement mes contemporains qui se tiennent aux antipodes de mes sommets. Ils ne parviennent guère à me rejoindre. Dans les nues où je plane, je ne croise que des oiseaux de haut vol : gens de plumes et autres bêtes venues de la Lune. Rien que des êtres délicieusement célestes ! Et ne rencontre que rarement des bipèdes dignes de mon chapeau de paille. La plupart portent des casques, des écouteurs, des masques, des oeillères, se chargent de poids inutiles, s'embarrassent d'onéreuses pesanteurs, traînent des enclumes de vanités. Ils sont futiles, frileux, douillets, aseptisés, javellisés, informatisés jusqu'à la déshumanisation.
 
Perdus dans leur monde virtuel, enfermés dans leur bulle mobile, prisonniers de leurs portables, ils se croient libres, unis, évolués...
 
Mais ces pantins, captifs de leurs prisons portatives, sont plus seuls que moi en réalité.
 
Amorphes, vides et tristes, ils ne marchent plus en regardant devant eux mais se figent soudainement en pleine rue, ou n'importe où ailleurs, focalisés par ce qui se passe sur leurs appareils, avachis contre leurs "lucarnes-à-sornettes". Et ils restent sur place, les yeux rivés sur leurs moniteurs miniatures, englués dans les mensonges de leur univers rectangulaire débitant des mirages en deux dimensions.

Eux les esclaves issus de la ville, moi le roi de la friche.

jeudi 3 juillet 2025

2362 - Le silence

C'est une caisse de résonance pour mes moindres faits : allumer le feu, ouvrir la porte, briser des branchages. Le silence donne de la profondeur à l'anodin, il rend solennel mes gestes les plus quotidiens. Tout prend de l'envergure sous son règne.
 
Il pourrait assommer d'ennui tout citadin déconnecté de ses habitudes. Son austère présence me fait l'effet d'une statue pleine de majesté. Avec lui tout murmure devient trompette, la plus insignifiante brise équivaut à une tempête et la chute d'une goutte d'eau est aussi fracassante qu'un orage.
 
Il confère une nouvelle importance aux petits riens, décuple la portée de tout ce qui cri, grince, brûle, soupire, chante... Corbeaux, charpente, bûches, vent, pluie... Avec lui je peux entendre l'âme des choses, la sève de la nature, les mots de ce qui se tait et palpite, se terre et brille, se cache et rayonne. Il est la voix de l'invisible, le tambour de l'ombre, la parole laissée aux pierres.
 
Là, au coeur de la forêt, au fond de ma solitude, il pèse autant qu'une flamme. Il m'éclaire et me nourrit d'essentiel, loin des vacuités et futilités de la ville. J'apprécie sa compagnie tard le soir au coin de ma cheminée. Grâce à lui je suis beaucoup plus attentif aux allées et venues des rats, aucun de leurs grignotements ne m'échappe, leurs couinements emplissent toute ma demeure et se mêlent aux crépitements de l'âtre, contribuant à entretenir l'ambiance chaleureuse de cet ermitage. Et dehors le hululement de la chouette ajoute de la flûte à leur concert sournois. La quiétude me fait aimer ceux que personne ne veut écouter.
 
A travers la tranquillité des jours je perçois le tumulte de ce qui est dissimulé. Dès que l'on chasse le bruit, les secrets hurlent de partout.
 
Le calme enchante mes soirées de ses légèretés et mystères. Sous sa loi les objets se mettent à parler, les fantômes se réveillent, des visages apparaissent dans la nuit.
 
Et tout bavardage tourne à l'impiété.
 
Je me concerte alors longuement, passionnément avec la braise aux traits changeants et aux éclats troubles, jusqu'à ce qu'elle meure lentement dans le foyer, mettant fin sans tapage à notre conversation nocturne.
 
Le vacarme pollue l'esprit.
 
Mais la fumée qui monte discrètement vers le ciel, c'est de l'or qui flotte dans l'air.

mercredi 2 juillet 2025

2361 - Aubes de plomb

Je bénis tout ce qui vient, l'orage comme la sécheresse, la grisaille autant que l'azur, la pluie aussi bien que le soleil.
 
Certains matins d'automne je me réveille avec une brume infinie qui s'étend sur la terre et cache le ciel. La forêt devient alors un séjour pour les défunts, un univers figé plein de mort et de mélancolie. Plus rien ne bouge et le silence de l'aube ressemble à une vaste pierre tombale.
 
Quel bonheur !
 
C'est un monde de rêve chargé de mystères qui s'ouvre à moi. En poussant ma porte, je suis immédiatement plongé dans une ambiance morbide. Je sors de mon habitation de taupe pour entrer dans un royaume de chevalier frigorifié.
 
Et chaussé de mes sabots, paré de mon simple chapeau de paille, je pars à la rencontre du brouillard, à la découverte de ces nuages cloués au sol, à la conquête de nouveaux sommets.
 
Je prends ces pesanteurs matinales pour des légèretés. A travers la nébulosité sylvestre je crois apercevoir des châteaux forts aux donjons sinistres. Mais ce ne sont que des troncs et des branches. N'importe ! L'illusion m'enchante et je poursuis ma marche dans l'inconnu.
 
Je m'égare avec délices dans les bois. L'humidité fait ressortir l'odeur de l'humus. J'ai l'impression de me retrouver au Moyen-Âge, perdu dans une légende. Je reconnais le chuintement caractéristique d'un Boeing qui passe loin au-dessus de ce siècle périmé et sans électricité où je me suis enfermé et fait oublié. J'ignore vers quel but volent ces gens dans la carlingue. Leur histoire me semble tellement éloignée de la mienne... Je leur souhaite bon voyage néanmoins.
 
Nos deux réalités radicalement opposées se côtoient à grandes distances. Eux dans l'espace aérien réglementé, moi dans mon jardin d'herbes sauvages. Mais ici dans mon trou connecté au vent, aux saisons et au feu de la cheminée, je me sens en phase avec les heures sacrées de la Création.
 
L'avion peu à peu s'évanouit dans les nues, je n'entends plus que les battements de mes propres ailes. Mon âme s'élève, ma vue s'élargit et je vois finalement les choses depuis ma hauteur d'ermite.
 
Et là, au milieu des arbres, je disparais dans les clartés vaporeuses qui m'entourent. Plus personne ne sait que j'existe car j'ai définitivement fui les lourdeurs de la modernité. Ou alors on me suppose enseveli sous la friche, dévoré par la ronce, anéanti par la solitude.

En vérité, je suis aux anges.

mardi 1 juillet 2025

2360 - Mes anges les corbeaux

Comme je vous aime, satanés corbeaux ! Que de noires fééries en vous, chers ailés, avec vos têtes de macchabées, vos allures spectrales et vos plumages de deuil ! La nue pour vous semble n'être qu'un vaste caveau où, avec vos bras semblables à des crucifix chargés d'obscurité, vous rayonnez tels des astres funèbres.
 
Le matin lorsque vous me saluez de vos cris menaçants dans la brume, vous enchantez mon ermitage de votre coeur de rocaille et de vos manigances de bandits ! Vous êtes les vivants diamants de la Création, je ne me lasse ni de votre vol princier dans le ciel ni de vos élégances de croque-morts sur le sol. Imprégnés d'encre, vous avez des légèretés de poètes et des moeurs de fossoyeurs.
 
Ma vie serait bien vide sans vous !
 
Ma nature d'esthète depuis toujours est éprise de vos charmes sinistres. Elle se remplit divinement de vos flots de ténèbres et se réjouit follement de vos plaintes dans le lointain. Vos  croassements ressemblent à des promesses de rêves mélancoliques, à des légendes ressuscitées, à des fables lugubres. Vous incarnez l'automne éternel, le crépuscule sans fin et l'aube aux clartés tombales.

Ce brouillard que vous représentez si merveilleusement, vous les ombres célestes, constitue ma lumière.
 
Vous vous apparentez à de vieux grimoires pleins de mystères. Vos plumes sont les pages d'un livre de contes effrayants, des mots sépulcraux éclatants de vérité ! Par votre envergure et vos profondeurs, je vous je vous associe à des héros littéraires.
 
Par votre simple présence sur les toits ou dans les champs, en haut des cathédrales ou au fond des bois, vous écrivez de sombres chapitres, quel que soit le siècle où vous naissez, et faites ainsi voyager les rêveurs de toutes les époques dans le royaume des doux cauchemars.
 
Avec vos mortuaires éclats, vous brillez tous les jours de l'année, pareils à des soleils de charbon. Les enfants vous adorent comme ils adorent l'ogre et le frisson dans la nuit. Et moi je vous considère encore plus que mes amis les rats !
 
Vos voix rauques au-dessus de la forêt où je me suis enfoui sont pour moi des sortes de cloches sacrées. Vous sublimez ma solitude.
 
Aussi augustes que des mages, plus sages que les philosophes avec vos becs faits pour la beauté et non pour la vacuité. Je vous admire, vous célèbre, vous bénis et vous prie de hanter longtemps encore mon âme de vos chants éraillés.

Je repense souvent à vous le soir devant le feu de ma cheminée. Et à travers les flammes de mon âtre qui crépitent et montent, je crois voir battre vos ailes de glace.

2359 - Vertueuse verdure

Loin des corruptions et vacuités de la ville, je prends racine dans mon paradis "d'arriéré des bois aux sabots d'azur"... Les arbres, les corbeaux, les feux de cheminée, ma vieille marmite couverte de suie, les pommes de pin et mon chapeau d'un autre monde, tout cela forme mes valeurs indépassables. Ce sont là mes sommets bruts de rustaud de la sylve, les repères ultimes de mon trou de verdure.
 
Je n'ai nul besoin d'artifices technologiques pour éclairer mon âme de bûcheron et combler mon coeur de reclus de la friche. Donnez-moi un peu de terre dans un coin perdu, trois sillons à cultiver, quelques fagots à brûler, des étoiles pour voyager, une chandelle pour mes soirées et beaucoup de ciel afin d'employer le reste de mon temps, et je serai aussi heureux qu'un hérisson dans les herbes !
 
Des amis ? Les rats sont mes hôtes et les corvidés ma chorale. Les rongeurs m'honorent de leur présence ténébreuse et les croasseurs m'enchantent de leurs concerts sépulcraux, que demander de plus ? J'ai même la chance de recevoir la visite du renard et du sanglier sans rendez-vous. Quant au hibou, il vient souvent se percher juste au-dessus de mes rêves, tel un spectre bienveillant.
 
Mon confort ? L'eau de la rivière remplit toutes mes attentes essentielles et le vent fait les choses encore mieux que certains appareils inutiles. J'ai remplacé l'électricité par la flamme et le téléphone par le silence. Mon ampoule, c'est le Soleil. Mes lampions, ce sont les lueurs du crépuscule. En ce qui concerne ma veilleuse, la Lune fait aussi bien l'affaire.
 
La solitude ? Une vraie libération ! Je vis sans hypocrites politesses, débarrassé des pesanteurs du bavardage et des obligations de l'apparence. Ici dans mon antre je suis un cerf rustique, un loup hors du siècle définitivement coupé des frilosités citadines, un ogre avide de soupes campagnardes et d'air pur, un épouvantail occupé à fendre des bûches et assoiffé de pensées tranchantes. J'ai un palpitant d'ours et des pognes calleuses de cul-terreux. Ce qui, je crois, doit plaire a plus d'une femme... Mais je n'ai de regard que pour la forêt et ses mystères.
 
Et d'amour véritable que pour les beautés durables de la nature.
 
Je me voue à l'humus, à la braise, à la cendre, à la pluie et aux nuages.
 
Mon bonheur est dans les ronces.

Liste des textes

2376 - Un chemin sans fin
2375 - Mon univers infini
2374 - Je ne suis pas de la ville !
2373 - Seul parmi les arbres
2372 - Au bout des chemins
2371 - Mon trésor
2370 - Les cumulus
2369 - Qui donc m’observe ?
2368 - Le loup
2367 - Cauchemar
2366 - Un peu de foin
2365 - Bain de crépuscule
2364 - Voyage sous un arbre
2363 - Ma solitude de roi
2362 - Le silence
2361 - Aubes de plomb
2360 - Mes anges les corbeaux
2359 - Vertueuse verdure
2358 - Le parachute
2357 - Au bord de l’eau
2356 - J’y suis et j’y reste !
2355 - Ma soupe
2354 - Les fées n’existent pas !
2353 - Le bon air de mon exil
2352 - Un jour ordinaire
2351 - Vie de rêve
2350 - Ma solitude
2349 - Je découvre une tombe
2348 - Le randonneur
2347 - La nuit
2346 - Le braconnier
2345 - A l’ombre des arbres
2344 - Une belle journée
2343 - L’intruse
2342 - La chasse à courre
2341 - Les vers luisants
2340 - L’hôte qui pique
2339 - Dans la pénombre
2338 - Le ballon
2337 - Ma lanterne
2336 - La barque
2335 - Le chemin creux
2334 - Les deux chasseurs
2333 - Flamme noire
2332 - Deux corbeaux dans un arbre
2331 - Insomnie
2330 - Cris des corbeaux
2329 - Papillons de nuit
2328 - Froid et pluies
2327 - Les ronces
2326 - Chemins de boue
2325 - Tristesse de la forêt
2324 - Provisions de bois
2323 - Dans les buissons
2322 - Pluie matinale
2321 - Les grands arbres
2320 - Terribles crépuscules
2319 - Les rats
2318 - Un ami frappe à ma porte
2317 - Entouré de rusticité
2316 - Le sanglier
2315 - Mon sac
2314 - Le renard
2313 - Ma marmite
2312 - Des bruits dans la nuit
2311 - Les lapins
2310 - Un signe sous le ciel
2309 - La Lune vue de mon toit
2308 - Une gauchiste explosive
2307 - Sortie nocturne
2306 - Le vent sur la forêt
2305 - Un air de feu
2304 - Rêve dans les branches
2303 - L’écolo
2302 - Les papillons
2301 - La corneille
2300 - Les patates
2299 - L’escorte des souches
2298 - Un orage au dessert
2297 - Nulle femme dans ma forêt
2296 - Indispensables pommes de pin
2295 - Promenade
2294 - La pluie sur mon toit
2293 - A la chandelle
2292 - Un soir de brume
2291 - Vie de feu
2290 - La rosée matinale
2289 - Dans l’herbe
2288 - Par la fenêtre
2287 - Ma cheminée
2286 - Mes chemins d’ermite
2285 - Au réveil
2284 - Les cailloux sur mes chemins
2283 - Mes sentiments de bûche
2282 - Nuit de pleine lune en forêt
2281 - Ivresse de femme
2280 - Loin de ma grotte
2279 - Tempête dans mon trou
2278 - Baignades d'ermite
2277 - Un hibou dans la nuit
2276 - Mes ennemis les frileux
2275 - Ermite aux pieds sur terre
2274 - Mon jardin d’ermite
2273 - La récolte des fagots
2272 - Un étrange visiteur
2271 - Ma demeure d’ermite
2270 - Un homme clair
2269 - Un foyer au fond de la forêt
2268 - Les raisons du peintre
2267 - La célibataire
2266 - Les femmes
2265 - Une femme
2264 - France sous les étoiles
2263 - Un homme hors du monde
2262 - Homme de feu
2261 - Rencontre du troisième type
2260 - Voyage
2259 - Déprime
2258 - Fiers de leur race
2257 - La fille lointaine
2256 - Le Noir méchant
2255 - L’attente
2254 - J’ai entendu une musique de l’an 3000
2253 - Le modèle
2252 - Blonde ordinaire
2251 - Mâle archaïque mais authentique
2250 - La femme et la flamme
2249 - Voyages au bout de la terre
2248 - Ma chambre
2247 - Le vieil homme entre ses murs
2246 - L'ovin
2245 - Vous les mous, les mouches, les mouchards
2244 - Mon humanisme fracassant
2243 - Ma cabane sur la Lune
2242 - Les marques rouges du ciel
2241 - Je reviens !
2240 - Une fille de toque
2239 - La légèreté de la Lune
2238 - Janvier
2237 - Elena Yerevan
2236 - Oiseaux de rêve ?
2235 - J’irai vivre à la campagne
2234 - Fiers de leurs péchés
2233 - Deux faces
2232 - Le soleil de la jeunesse
2231 - Dans les bois
2230 - Nuit de vents
2229 - Mon fauteuil de lune
2228 - Le sourire d’une marguerite
2227 - Je ne suis pas antiraciste
2226 - Qui est-elle ?
2225 - L’arc-en-ciel
2224 - Je suis parti dormir sur la Lune
2223 - La sotte intelligence
2222 - Leurre ou lueur ?
2221 - Clinchamp, cet ailleurs sans fin
2220 - La tempête Trump
2219 - Femme de lune
2218 - Une plume de poids
2217 - Douches glacées
2216 - Les arbres et moi
2215 - Je pulvérise le féminisme !
2214 - J’aime les vieux “fachos”
2213 - La surprise
2212 - Promenade en forêt
2211 - Je vis dans une cabane
2210 - Plouc
2209 - Je suis un mâle primaire
2208 - Musique triste
2207 - Ma cabane au fond des bois
2206 - Hommage à Christian FROUIN
2205 - Installation sur la Lune
2204 - Barreaux brisés
2203 - Affaire Pélicot : juste retour de bâton du féminisme
2202 - L’abbé Pierre, bouc-émissaire des féministes
2201 - Par tous les flots
2200 - Votre incroyable aventure !
2199 - Je ne suis pas en vogue
2198 - Jadis, je rencontrai un extraterrestre
2197 - Dernière pitrerie
2196 - Alain Delon
2195 - Je déteste les livres !
2194 - L’esprit de la poire
2193 - Je ne suis pas citoyen du monde
2192 - Ma cabane dans la prairie
2191 - Devant l’âtre
2190 - Plus haut que tout
2189 - Pourquoi la femme vieillit si mal ?
2188 - Je prends l’avion
2187 - Sous la Lune
2186 - La pourriture de gauche
2185 - Je dors à la belle étoile
2184 - L’obèse et l’aristocrate
2183 - Le hippy et moi
2182 - Croyant de feu
2181 - Les gens importants
2180 - Le Beau
2179 - Michel Onfray
2178 - J’irai cracher sur leurs charentaises !
2177 - Clodo
2176 - Corbeaux et corneilles
2175 - Un dimanche plat atomique
2174 - Promenade en barque
2173 - Juan Asensio, ce rat lumineux
2172 - Il va pleuvoir bientôt
2171 - Au bord de la lumière
2170 - Dans mes nuages
2169 - J’ai dormi dehors
2168 - Les roses
2167 - Perdu en mer
2166 - Un jeune heureux
2165 - Le vagabond
2164 - Un ogre
2163 - Brigitte
2162 - Les gens simples
2161 - L’azur de Warloy-Baillon
2160 - Cause majeure
2159 - Je n’ai aucune élégance
2158 - La rivière
2157 - Il n’est pas raciste
2156 - Elle me fait peur
2155 - L’horloge
2154 - A la boulangerie de Mont-Saint-Jean
2153 - L’écologiste, ce primitif
2152 - Madame Junon
2151 - Chemins de pluie à Clinchamp
2150 - Voyage vers Mars
2149 - Galaxies
2148 - Je suis de la droite honteuse
2147 - Les écrivains sont des poids morts
2146 - L’héritage de Clinchamp
2145 - Clinchamp, une histoire sans fin
2144 - Vent de mystère à Clinchamp
2143 - Ma cachette à Clinchamp
2142 - Randonnée à Clinchamp
2141 - Eclipse de Lune à Clinchamp
2140 - Un arc-en-Ciel à Clinchamp
2139 - Clinchamp sous l’orage
2138 - J’ai rêvé de Clinchamp
2137 - Jour de l’An à Clinchamp
2136 - Vacances d’été à Clinchamp
2135 - Attente à Clinchamp
2134 - Un jour ordinaire à Clinchamp
2133 - Or de France
2132 - La compagne des esseulés
2131 - Loup de lumière
2130 - Spleen
2129 - Le pitre
2128 - Les corbeaux de Clinchamp
2127 - Un homme heureux à Clinchamp
2126 - Le mouton
2125 - Des lutins à Clinchamp ?
2124 - Je suis fort !
2123 - Paroles prophétiques
2122 - L’égalité entre les hommes est injuste !
2121 - L’idéaliste de gauche
2120 - La femme est la monture de l’homme
2119 - Clinchamp sous la neige
2118 - Le Nord et le Sud
2117 - Pourquoi j’aime Clinchamp ?
2116 - Convaincre Blandine
2115 - Un couple de vieillards à Clinchamp
2114 - Le facteur de Clinchamp
2113 - Tristesse et beauté à Clinchamp
2112 - L’Art
2111 - Botte à l’oeuf
2110 - Les bûcherons de Clinchamp
2109 - Le coucou de Clinchamp
2108 - BFMTV : l’écran de la vérité
2107 - Lettre anonyme
2106 - Je ne suis pas amoureux de Paris !
2105 - Un jour d’hiver à Warloy-Baillon
2104 - La femme soumise brille comme une casserole
2103 - Les chouettes de Clinchamp
2102 - Quand la tempête s’abat sur Clinchamp...
2101 - L’aile et la pierre
2100 - Mes amis les maudits
2099 - Le brouillard de Clinchamp
2098 - Artiste de gauche
2097 - L’éternité dans la tête
2096 - Toussaint à Clinchamp
2095 - Chagrin échappé
2094 - Clinchamp-sur-Mystère
2093 - Les cafards
2092 - Loup des airs
2091 - Le loup de Clinchamp
2090 - En latin, c’est plus beau !
2089 - Les patates de Clinchamp
2088 - L’enfant des airs
2087 - Ciel de France
2086 - Thaïs d’Escufon
2085 - Les tomates de Clinchamp
2084 - Jérôme Bourbon
2083 - Les chats de Clinchamp
2082 - Poupée d’ailleurs
2081 - Pierre de feu
2080 - Les champs de Clinchamp
2079 - L’éclosion
2078 - Vacuité des bouquinistes
2077 - Les toits
2076 - Freud
2075 - Sport
2074 - Le simplet de Clinchamp
2073 - Les oiseaux de Clinchamp
2072 - Je ne suis pas cartésien
2071 - Au cimetière de Clinchamp
2070 - Le Panthéon pour Hugo, l’évasion pour Izarra
2069 - Les rats de la France
2068 - Le curé de Clinchamp
2067 - Mon trou à Clinchamp
2066 - Saint-Léonard-des-Bois
2065 - Les cloches de Clinchamp
2064 - Un épouvantail à Clinchamp
2063 - Les rêves de Clinchamp
2062 - Je suis raciste
2061 - L’injustice sociale ne me choque pas
2060 - Les femmes de Clinchamp
2059 - Les jours vides de Clinchamp
2058 - Une grand-mère
2057 - Clinchamp vers 1970
2056 - La femme de soixante ans
2055 - Sale temps à Clinchamp
2054 - Un grand voyage en forêt
2053 - L’ailé et l’aliéné
2052 - Souvenirs lointains
2051 - Domestication d’une greluche
2050 - Déprime à Clinchamp
2049 - L’amour à Clinchamp
2048 - Les Droits de l'Homme, c'est la négation de l'homme !
2047 - Les hivers de Clinchamp
2046 - Les chemins de Clinchamp
2045 - Seul au monde
2044 - Ne me parlez pas d’amour
2043 - Tristesse de l’été
2042 - Jour de fête à Clinchamp
2041 - Monsieur Lecon
2040 - Châtelain
2039 - Les ailes de Clinchamp
2038 - Tremblement de terre
2037 - Nuit d’amour
2036 - Pluie de joie à Clinchamp
2035 - Les gauchistes
2034 - Clinchamp sous les clartés lunaires
2033 - Henri d’Anselme, héros hétéro rétro
2032 - Les hirondelles
2031 - Retraite dans la forêt
2030 - Mon bosquet
2029 - L’or de Clinchamp
2028 - Sur le chemin
2027 - La souche
2026 - Clinchamp, ce voyage sans fin
2025 - Sardines à l’huile
2024 - Les fantômes
2023 - Le silence de la forêt
2022 - Les arbres
2021 - Les joies de Clinchamp
2020 - La merde républicaine
2019 - Les ailés
2018 - Les soirées de Clinchamp
2017 - Parasite
2016 - Clinchamp, les routes de l’ennui
2015 - Moi français, je déteste les migrants !
2014 - Répugnante
2013 - Les complotistes
2012 - Je déteste les livres de philosophie !
2011 - Le bossu de Clinchamp
2010 - La lumière de Clinchamp
2009 - Les crépuscules de Clinchamp
2008 - Les nuits à Clinchamp
2007 - Les aubes de Clinchamp
2006 - Je suis un oiseau à Clinchamp
2005 - Les rats de Clinchamp
2004 - Les papillons de Clinchamp
2003 - Les richesses de la normalité
2002 - Le Rimbaud des bobos
2001 - Les vaches de Clinchamp
2000 - La folle de Clinchamp
1999 - Mon ego solaire
1998 - Vague Lune
1997 - Ma cabane à Clinchamp
1996 - Moi, IZARRA
1995 - Mais qui donc est Dardinel ?
1994 - La Dame Blanche de Clinchamp
1993 - Le Dalaï-Lama
1992 - Pluie à Clinchamp
1991 - Je suis sexiste
1990 - Les flammes du printemps
1989 - Le rustaud de Clinchamp
1988 - Les larmes d’Amsterdam
1987 - Clinchamp, terre d’envol
1986 - La Joconde de Clinchamp
1985 - Face cachée de Clinchamp
1984 - La clocharde de Clinchamp
1983 - Je suis un extraterrestre
1982 - Clinchamp sous les éclats de novembre
1981 - Clinchamp au bord des larmes
1980 - Les fantômes de Clinchamp
1979 - Les pissenlits de Clinchamp
1978 - Clinchamp : fin et commencement de tout
1977 - Amsterdam
1976 - J’habite sur la Lune
1975 - Secret de Lune
1974 - Les ailes de la Lune
1973 - Voir Clinchamp et sourire
1972 - La pierre et l’éther
1971 - Clinchamp, au bonheur des larmes
1970 - Clinchamp, mon dernier refuge
1969 - Croissant de Lune
1968 - Mais d’où vient donc la Lune ?
1967 - Lune lointaine
1966 - Lune éternelle
1965 - Sandrine, notre voisine
1964 - Rêve de Lune
1963 - Lune des rêves
1962 - La Lune dans le bleu
1961 - Lune ultime
1960 - Les tourmentés
1959 - Clinchamp, paradis des ombres
1958 - Lune absente
1957 - Je raffole des commérages !
1956 - Clinchamp : royaume des humbles
1955 - La Dame dans le ciel
1954 - Palmade : de la gloire au gouffre
1953 - Evasion
1952 - Tatouages, ces marques de faiblesse
1951 - L’égalité est un enfer !
1950 - Repas sur l’herbe à Clinchamp
1949 - Escale à Clinchamp
1948 - Beauté morbide de la Lune
1947 - J’ai dormi dehors à Clinchamp
1946 - Les humanitaires sont des parasites !
1945 - Sur les routes de Clinchamp
1944 - Une année à Clinchamp
1943 - Tristesse du printemps
1942 - Bulle de Terre
1941 - Jour de joie à Clinchamp
1940 - L’inconnu de Clinchamp
1939 - Le ciel de Clinchamp
1938 - Les éclats de Clinchamp
1937 - Le voyageur
1936 - Fête triste
1935 - Les antiracistes
1934 - Jean Messiha
1933 - Coeur gelé
1932 - Romantisme de pierre
1931 - La femme est sous mes pieds
1930 - Burcu Güneş, un air léger
1929 - Je déteste les pauvres !
1928 - Quand mon coeur s’allume
1927 - Intègre, entier, râpeux
1926 - Le cheval
1925 - Homme mauvais
1924 - Un trou sous le ciel
1923 - Hauteur de la Lune
1922 - Nulle part, là-bas, ailleurs
1921 - Belle Lune
1920 - Salades lunaires
1919 - Lettre à Reynouard
1918 - MARGUERITE OU L’HISTOIRE D’UNE VIEILLE FILLE
1917 - Récoltes lunaires
1916 - Je suis français de souche
1915 - Lune mortuaire
1914 - Clinchamp, cité des oubliés
1913 - Clinchamp, l’air de rien
1912 - Clinchamp, sommet du monde
1911 - La pollution, c’est la vie !
1910 - Seule au monde ?
1909 - Le Ciel et la Terre
1908 - Lune de haut vol
1907 - La Lune s’allume
1906 - Nuit sombre
1905 - Soupe de Lune
1904 - Puretés raciales
1903 - Lune-pizza
1902 - La grande question
1901 - Amiens
1900 - Pleur de Lune
1899 - Rêve d’amour
1898 - Vive le patriarcat !
1897 - La libellule
1896 - L’eau qui m’éclaire
1895 - Une question de clarté
1894 - La Lune dort
1893 - Les artifices du spirituel
1892 - Lune normale
1891 - Ni chauffage ni travail
1890 - Lune de fer
1889 - Molle Lune
1888 - Insensible aux malheurs des autres
1887 - Mon visage de vérité
1886 - Amante russe
1885 - J’écris
1884 - Lune martiale
1883 - Je suis un incapable
1882 - Lune creuse
1881 - 1975
1880 - L’éclat d’un fard
1879 - Amour impossible
1878 - Femme au foyer
1877 - L’esprit de la Lune
1876 - Ingérence féministe
1875 - Cratères lunaires
1874 - Lune d’effroi
1873 - Lune des chats
1872 - Les athées
1871 - Lune d’or
1870 - Lune carrée
1869 - Lune de miel
1868 - Folle lune
1867 - Jour de joie
1866 - SMARPHONES : abrutissement des masses
1865 - Sombre lune
1864 - Les mouches
1863 - Ma vie simple
1862 - Clinchamp, terre lointaine
1861 - Je suis un conservateur
1860 - Lune de glace
1859 - Le lac
1858 - Qu’est-ce que la beauté ?
1857 - Lune blanche
1856 - Lune de mer
1855 - Lune de feu
1854 - Présence immortelle
1853 - Surprenante Lune !
1852 - L’éclat de la Lune
1851 - Epis lunaires
1850 - L’autre Lune
1849 - L’amie des cheminées
1848 - Lune morte
1847 - Lune Parmentier
1846 - Lune fatale
1845 - Amour céleste
1844 - Grâces et disgrâces
1843 - Ma maison, c'est la Lune
1842 - Poids de la Lune
1841 - La morte visiteuse
1840 - Ma cabane sous la Lune
1839 - Bleu ciel
1838 - Histoire de lune
1837 - Suc de Turque
1836 - Stéphane Blet
1835 - Ciel bleu
1834 - Bonheur de rat
1833 - Redneck
1832 - Sur le rivage
1831 - Attraction lunaire
1830 - Je suis anti-féministe radical
1829 - Mais qui est-il ?
1828 - Je veux des frontières !
1827 - Les francs-maçons
1826 - Folies lunaires
1825 - Alunir, en un mot
1824 - “Comme ils disent”, chanson d’Aznavour
1823 - Lune tiède
1822 - Globe de rêve
1821 - Effroi
1820 - Vangelis
1819 - L’air de la Lune
1818 - La campagne
1817 - Lune tombale
1816 - Les cailloux
1815 - Je déteste Paris !
1814 - Boules de neige
1813 - Je n’ai pas peur
1812 - Parler vrai
1811 - Les hommes simples
1810 - Quand la Lune panse
1809 - Régine : extinction d’un feu
1808 - Morte veilleuse
1807 - Coeur de pierre
1806 - Noir
1805 - Mystère de la Lune
1804 - Jackson Pollock
1803 - En pleine lumière
1802 - Harmonie des sexes
1801 - Dix ans dans l’azur
1800 - Pluie d’avril
1799 - Le gueux
1798 - Les pommes de pin
1797 - Voyage vers la Lune
1796 - Mystère d’une nuit
1795 - Une lumière turque
1794 - Sans coeur et avec écorce
1793 - Envolé !
1792 - Galante ou l’abcès crevé
1791 - La lumière du Bosphore
1790 - Claude Monet
1789 - Rat aristocrate
1788 - Ukraine : sortez de vos ornières mentales !
1787 - Tranche de ciel et plumes de la Terre
1786 - Les sots écolos
1785 - L’astre turc
1784 - L’Ukraine, je m’en fous totalement !
1783 - Vive la guerre !
1782 - Réponses à un coatch
1781 - Droite pure
1780 - Vains hypersensibles
1779 - Mes valeurs vives
1778 - Le secret
1777 - Force et lumière
1776 - De l’herbe à l’aiguillon
1775 - Jusqu’à la mort
1774 - Zemmour et les journalistes de gauche
1773 - Dur et juste
1772 - La flamme et le marbre
1771 - Mon chat est mort
1770 - Les frères Bogdanoff
1769 - J’ai rêvé de Natacha
1768 - Technologie
1767 - Vers la Lune
1766 - C’était la guerre
1765 - La “tondue de Chartres”
1764 - Dans le métro
1763 - Naissance d’un virus
1762 - Zemmour est-il un de Gaulle ?
1761 - Je suis grand
1760 - Jour de gloire
1758 - Une muse du Bosphore
1758 - Je suis un extrémiste
1757 - Les éoliennes
1756 - Femme terminale
1755 - Autoportrait
1754 - Je suis un sanglier
1753 - Faux fou
1752 - Les affaires
1751 - Octobre
1750 - Le fantôme
1749 - Les écrivains
1748 - Sauvez la France !
1747 - Mes sentiments de pierre
1746 - Une araignée raconte
1745 - Un coeur clair
1744 - Phallocrate
1743 - Les vaches
1742 - Les faibles sont mauvais
1741 - Les sans-visage
1740 - Le trouillard de gauche
1739 - Léonard de Vinci enfant
1738 - Mes froideurs sublimes
1737 - Le romantisme, c’est la décadence
1736 - La Joconde
1735 - La tour Eiffel
1734 - Le Soleil
1733 - Une boule de mystère
1732 - Les masqués
1731 - Burcu Günes, l’or turc
1730 - Léa Désandre
1729 - Le père Dédé
1728 - “Blanc lumière” de Pollock
1727 - Les kikis et les cocos
1726 - Les funérailles de Belmondo
1725 - Pôle Sud
1724 - Vierge au mariage
1723 - La forêt
1722 - Le réveil des clochers
1721 - En septembre
1720 - Extraterrestre
1719 - Ni cagoule ni sérum
1718 - L’astre des morts
1717 - L’idéaliste
1716 - Un ange noir pour les Blancs ?
1715 - Trois heures du matin
1714 - Dur et vivant
1713 - Homme des bois
1712 - De flamme et de sang
1711 - Mes bas potentiels
1710 - Je suis un anti-progressiste
1709 - Eléonore et les Noirs
1708 - Eléonore et les Juifs
1707 - Une française
1706 - Femme d’idées
1705 - Joie de vivre
1704 - Auteur de rêves
1703 - Raison féminine
1702 - Vieillard
1701 - Face de France
1700 - 1789
1699 - Adieu, France
1698 - Célibataire
1697 - L’envers vert
1696 - Avant la chute
1695 - L’aube d’Ève
1694 - Amour raté
1693 - À vue d’homme
1692 - Le loup et l’agnelle
1691 - Têtes à corps
1690 - Trêve de la nuit
1689 - L’été
1688 - L’hiver
1687 - Les âmes de la forêt
1686 - Enfin libre !
1685 - Je vis sans masque
1684 - Enfants du monde
1328 - Je suis apolitique
115 - Le cygne
114 - Le spleen de Warloy-Baillon
113 - Les visiteurs
112 - La Lune
111 - L’amant des laides
110 - Mémoires d’un libertin
109 - Une existence de pompiste
108 - Lettre à mes amis des listes sur Internet