Dans le pénitencier je côtoie plus de cafards, de punaises et autres
parasites que d'humains, croisant en une journée davantage de nuisibles
que de bipèdes.
L'unique visage qui me fait face assez longuement pour que je puisse le
contempler à ma guise, c'est le mien. De fait, le miroir est mon plus coutumier confident.
Mes gardiens passent trop furtivement dans mon espace confiné pour que j'aie le loisir de partager avec eux mon ciel et mon enfer, mes gouffres et mes sommets,
mes rêves et mes ténèbres.
Personne ne vient me rendre
visite.
Aussi ai-je pris l'habitude de m'entretenir de la pluie et du beau temps avec mon propre reflet. Etats météorologiques des différentes saisons que je perçois depuis le fond de ma cellule, derrière les barreaux, bien abrité des éléments.
Dans ces moments d'extrême solitude, je m'adresse irréellement au seul être que je connaisse vraiment depuis longtemps dans cette geôle : moi-même. Lorsque le jour est printanier, l'occasion est toujours bonne pour lancer des paroles anodines en l'air et écouter résonner ma voix dans cette pièce de neuf mètres carrés qui me tient lieu d'horizon. Je me fixe alors dans les prunelles en me destinant les mots suivants :
— Le soleil est magnifique aujourd'hui, n'est-ce pas ?
Et si en hiver la neige blanchit la cour de la prison, les termes changent mais jamais le ton, qui demeure artificiellement enjoué :
— Quelle éclatante pureté, tu ne trouves pas ?
Mon image dans la glace à chaque fois me répond par un acquiescement triste...
Et je vois mes yeux se charger de larmes. La réclusion radicale a assombri mon regard. Mes traits sont devenus presque effrayants. Sur mes lèvres, mon front, mes joues, je lis les pages noires d'un livre racontant le malheur.
Dehors j'entends soit l'averse tomber, soit le vent mugir, soit les oiseaux chanter. Et je reste là à m'observer dans le rectangle de verre accroché au mur.
Nul ami ne viendra me voir au coeur de ma détresse.
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