La veuve affligée veillait sur son garçon malade, faible et fort pâle. Trop démunie pour le faire soigner, elle n'avait que ses larmes pour seul onguent.
Vain remède contre la Voleuse d'âmes qui rôdait...
La fête de la Nativité qui approchait était son dernier salut. Elle se dit qu'en allant implorer le bon Dieu à la messe de minuit, il lui ferait un miracle et ce serait son cadeau à elle. Pourquoi lui refuserait-il cette faveur ? Après tout les prodiges existent... Elle qui avait tant souffert toute sa vie, repue d'infortune, écoeurée de misères, nageant dans les pleurs depuis qu'elle était sur terre, à bout de souffle, elle n'avait plus d'autre choix que de se résigner à l'impossible ! Plongée dans l'obscurité de son gouffre, il n'y avait plus que la lumière qui fût envisageable, solution extrême de tout désespéré.
Le soir de l'office, une folle confiance l'envahit, faisant naître en elle un radieux pressentiment, chose qu'elle n'avait jusqu'alors jamais éprouvée. Son esprit semblait s'éveiller à une réalité supérieure, comme si le fait d'espérer un phénomène providentiel avait suffit pour faire surgir du fond des ténèbres une clarté soudaine, une aube pleine de promesses.
Elle en fut bouleversée.
Si cet état merveilleux dans lequel elle se trouvait n'était qu'une illusion due à l'excès d'accablement se dit-elle, comme l'accumulation du malheur fait naître l'ivresse -cette armure du mortel trop éprouvé-, alors le mirage était tout comme un brasier réel qui chauffait sa poitrine et à ses yeux il en avait les mêmes pouvoirs. Illusion ou pas, peu importe : le principe agissait, du moins en était-elle persuadée. Les prémices d'un grand bonheur allaient lui ouvrir en cette heure sacrée une porte cachée qui la délivrerait de tous ses maux, elle n'en doutait déjà plus dès ses premiers pas en direction de l'église sous la tempête de poudreuse redoublant d'intensité.
Avant de partir elle avait pris soin de rapprocher la couche du petit moribond de la cheminée et d'y ranimer le feu réconfortant.
Elle avait tant supplié le Jésus de la crèche durant la cérémonie, soutenue par les autres modestes gens de la campagne émus par sa ferveur, avait mis tant de confiance dans cette date sainte où toutes les bénédictions célestes sont possibles, qu'elle revint tout alerte au chevet de son enfant, insensible au gel et à la fatigue.
Quand elle poussa la porte de la masure, le fond de la pièce irradiait.
La braise était ardente encore, la protectrice ayant, comme nous le savons, consciencieusement chargé le foyer de grosses bûches afin que son fils demeuré seul ne manquât ni de chaleur ni d'éclairage, tandis qu'elle adressait ses suppliques au Ciel, là-bas face à l'autel.
La lueur intense du bûcher éclairait le visage de son angelot.
Elle explosa d'exaltation.
Celui-ci regardait paisiblement en sa direction, la joue rose, le front calme, une expression de béatitude aux lèvres. Il était rétabli, sauvé des bras de la Camarde !
Elle se précipita pour l'embrasser et rendre grâces au Créateur à travers les sanglots furieux, incontrôlables d'une indicible allégresse.
La neige, particulièrement dense cet hiver, en s'accumulant sur le toit avait formé un bouchon passager à la sortie du conduit et avant de fondre, pendant quelques minutes le jeune souffrant placé au bord des tisons avait eu le temps d'inspirer l'air qui en fut refoulé.
Sa maman l'étreignait toujours, le pressait sans cesse, pleurait de joie sans pouvoir s'arrêter, euphorique.
Ce que la pauvre femme, enivrée par ses propres spasmes, emportée par les battements fulgurants de son coeur transfiguré -et pour ainsi dire dans l'impossibilité de revenir à la réalité- ne savait pas encore en cette nuit de Noël qu'elle n'oubliera jamais, c'est qu'en approchant le lit de l'âtre et en ravivant la flamme, sans le vouloir elle avait précipité le sort.
Cette joue fraiche, cette face sereine, ce sourire doux qu'elle avait retrouvés à son retour n'étaient qu'un masque trompeur, que certains seulement savent reconnaître.
Sans s'en rendre encore compte, depuis son retour de cette fameuse prière nocturne où elle avait mis ses ultimes espoirs de mère, elle enlaçait un corps froid.
VOIR LES TROIS VIDEOS :
https://youtu.be/4ECXBvB3-64
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