Moi je préfère le sombre corbeau à la claire tourterelle.
J'aime mieux la nuit épaisse d'un noble manteau de deuil à un insipide
plumage de plate blancheur.
Avec son bec comme une charrue et son aile pareille à une cape, il a
l'allure d'un aristocrate du sillon.
Sinistre et beau.
Au milieu des champs, dans la brume de l'hiver, il prend toute son
envergure. Là, à travers son seul croassement qui remplit le ciel, il devient un
spectre.
Son chant de caverne sorti du froid et des ténèbres enchante mon âme
faite pour les augustes compagnies, les ombres austères, les songes de
pierre.
Il a l'air inquiétant, hautain et même méchant. Il me plaît ainsi, l'oiseau
de noirceur...
Avec lui, pas de frivolités mais d'âpres conciliabules en latin pour le
chapardage d'un épis de maïs. Point de légèretés sous l'azur printanier mais de
vastes complots en sourdine dans le crépuscule du soir pour des butins de paille et de blé.
Nul papillonnage de branchettes en fleurettes dans de jolis bois mais de
funestes messes basses dans le brouillard à propos d'un quignon de pain trouvé
dans le fossé.
Et si par bonheur un de ces bandits s'éprend de beauté, ce sera pour une
rose morte volée dans le creux d'une tombe.
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