Lorsqu'elle est pleine, ronde, telle une boule d'éther dans l'encre de la
nuit, avec son regard de glace, son front mélancolique et son air impénétrable,
elle séduit ses élus.
C'est-à-dire nous les loups, les sangliers et les hiboux... Nous les égarés
de ce siècle, nous qui sommes sortis des chemins balisés, nous qui préférons le
vrai à l'artifice.
Sa présence est ambiguë, aussi pesante qu'aérienne. Comme une flamme trop
douce pour être un feu, trop claire pour se réduire à un rêve.
Son globe de cendre et de miel pourrait s'apparenter à une ombre lumineuse
ou à un spectre de pierre, à un oeil mort dans le ciel ou à une bulle de silence
montant au firmament tout en dégageant un charme inquiétant sur notre
Terre.
Cette chandelle n'éclaire véritablement que les toits de chaume et les âmes
de plomb.
La Lune se reflète sur la paille, les tombes et les mares. Et pénètre le
fond des êtres inspirés.
Elle est faite pour alléger les sabots et tenir compagnie aux solitudes,
escorter les vagabonds et réchauffer les moribonds, lustrer les misères et
illuminer les veillées funèbres.
Les coureurs des bois aux vies chargées de sens, les chantres de la
simplicité et les coeurs alourdis de peines apprécient cette intruse mortuaire,
ce visage nocturne, cette amie des heures profondes.
Pour nous les rats aux gueules de lumière, elle est bien plus qu'une bille
qui luit bêtement dans les ténèbres, autre chose qu'une figure pétrifiée de nos
insomnies, et quand vient le jour, encore mieux qu'une balle perdue dans
l'azur.
A nos yeux, elle est essentiellement, tout bonnement et tout sobrement...
belle.
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