Il faisait chaud en ce dimanche mortel.
L'été plein de léthargie rendait l'ambiance triste, le village somnolait au
coeur de ce siècle de plomb. Les heures s'éternisaient, lourdes, poisseuses,
sans espoir.
La vie dans cette campagne sclérosée se résumait à une morne stagnation des
choses et des êtres, à une lente marche des jours vers des sommets de monotonie,
à un interminable endormissement des vivants vers un monde peuplé de
fantômes.
Rien ne se passait dans cette capitale rurale du néant.
Les jeunes rivés sur leurs écrans portables ressemblaient à des vieux déjà
séniles et les vieux à des morts. Les femmes préféraient la vacuité de leurs
travaux ménagers à la virilité flasque de leurs maris et les hommes leur pinard
dominical aux charmes adipeux de leurs épouses...
Il aurait fallu une bombe retentissante ou bien une tempête de glace
pétrifiante, ou même une divine explosion d'amour en plein ciel pour réveiller
ce cimetière d'âmes noyées dans un océan d'ennui !
Mais j'avais mieux que cela, moi qui depuis mes hauteurs
supérieures observais ces cadavres s'enlisant dans la chaleur et l'inertie de cette
journée infiniment vide...
Pour faire se redresser les têtes, enflammer les chairs, illuminer les
obscurités intérieures, l'on pouvait compter sur le feu de ma plume, l'éclat de
mes mots, l'or de mon verbe.
Je décidai donc de leur jouer ma musique. De portes en portes j'allai
déverser ma bonne parole au plus près de leurs oreilles, en leur criant :
— Sortez tous de votre torpeur car je suis l'ange des dormeurs venu vous
faire peur, qui fait sonner les dernières cloches de la Terre !
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