Moi je ne fréquente que les aristos et les clodos, les intellos et les
illettrés, les fortunés et les fauchés, les parfumés et les puants, les huppés
et les gueux.
Mais certainement pas les tiédasses, les insipides, les modérés, les
édulcorés, je veux parler de ces demi-portions issues des classes moyennes
!
Je méprise ces ambitieux de la médiocrité, ces conquérants de l'indolence,
ces rois de l'ordinaire épris de toutes les fadeurs ! Leur pâle félicité est
celle des limaces. Ils ont érigé leur flasque nivèlement en idéal
indépassable.
Ils donneraient leur sang de larves, s'il en avaient le courage, pour
préserver leur bonheur d'incolores mollusques, leur confort de ternes baveux,
leur sécurité d'anodins citoyens moyens.
Ils ne sont dignes que du petit lait de l'existence.
Alors que mes amis eux, font partie de la crème de l'humanité et du gratin
de la société. Ou sont carrément au niveau des rats du caniveau. Ils s'abreuvent
de champagne ou bien n'avalent que du gros pinard. Mais au moins, eux sont
vivants ! Ils sont soit au sommet, soit dans le purin. Mais jamais entre les
deux.
Le milieu, c'est bon pour les caniches, les mornes, les insignifiants, les
délavés, les déjà morts.
Ces humains demeurant
entre le chaud et le froid sont neutres. Ils sont impersonnels, ils sont
transparents, ils sont invisibles. Ils se ressemblent les uns les autres comme
autant de gouttes de flotte d'une vaste pluie morose.
Peureux, ils préfèrent l'ennui à la flamme. Frileux, ils choisissent
l'apathie plutôt que la glace. Prudents, ils rentrent chez eux au premier
grondement de l'orage au lieu de s’émerveiller de ses éclairs. Timorés, ils sont
pleinement satisfaits d'avoir contracté une assurance-vie.
Ils ont certes un coeur mais il ne bat que pour les navets de la vie. Ils
ont une âme il est vrai, mais elle est grise. Leurs espoirs ne sont point les
cimes mais les platitudes.
Seules les ampoules électriques les éclairent.
Ce sont de tristes moineaux qui sur leurs branches communes chantent à n'en
plus finir la gloire des dimanches riches en heures creuses...
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