Tandis que je croupis dans un coin de ma cellule, au-dessus de ma tête le
plafond de mon univers étriqué apparaît comme un immense espace de platitudes.
Un décor froid et morne où rien d'autre ne se passe que le vol en cercles
immuables de mes idées noires.
Mais aussi, parfois, il devient le minuscule théâtre où se joue la comédie
de mes rêves les plus lumineux. Mais ces moments de pure légèreté restent
rare...
Les murs qui m'encerclent semblent des montagnes indépassables qui me
barrent définitivement la route. Ils forment une barrière vertigineuse entre le
gouffre et la vie, une frontière radicale séparant les rats pris au piège des
hommes libres.
D'autres fois ils se transforment en quatre écrans brillants sur lesquels
je projette mes étoiles intérieures. Cependant ces petits miracles demeurent
exceptionnels...
Le sol sur lequel je tourne en rond, parcourant chaque jour des kilomètres
en faisant du sur-place, véritable promontoire désenchanté de mon existence
dénuée de verdure et de relief, se referme autour de moi tel un îlot où je suis
condamné à gésir.
Il m'arrive toutefois, lorsque je me trouve de belle humeur, de décoller de
cette base mortelle afin de rejoindre des hauteurs imaginaires autrement plus
vivifiantes où je puis mieux laisser respirer mon âme... Même si ces ascensions
oniriques sont peu fréquentes...
Les barreaux qui m'interdisent toute fuite ressemblent à d'indéracinables
crocs de cerbères aussi immobiles qu'impassibles, fixés dans le béton pour des
siècles.
Cela dit, je les mets volontiers en scène, de temps à autre, au service de
mes fantaisies : des deux mains je m'y agrippe farouchement et, à l'image d'une
drôle de gargouille, parle doucement aux papillons passant à proximité...
Je m'invente ainsi, au fil de ma réalité sans histoire et vide de couleurs,
des heures glorieuses et des faits mémorables dont j'ignore encore s'ils valent
la peine que je les relate ici ou bien s'ils méritent finalement d'être voués à
l'insignifiance.