Sur son dos tordu il porte le poids de vos rires.
Comme un martyre, une malédiction, l'épreuve d'une incarnation contrefaite.
Mais aussi comme un calvaire plus sanctifié encore que ses simples
ailes brisées : vous amuser, là est toute sa mission.
Dérisoire et sublime.
Et il la prend très à coeur car c'est tout ce qu'il a pour demeurer parmi les humains.
Vous lui faites l'honneur de vos éclats de joies et lui il vous fait le
cadeau de ses sombres douleurs.
Il est né sur cette Terre pour plaire aux enfants et alimenter la cruauté des
adultes. Il s'acquitte de sa tâche avec zèle, trop heureux de voler malgré tout
avec les grands oiseaux de son siècle.
Il ne se lasse point de vos ravissements, bals et bagatelles dont il est et le rouage et la cible, et le centre et le prétexte, et le singe et l'artifice
: beau joueur, il brille comme un hochet au service de vos salons dorés et
soirées sans fin.
Il supporte avec humour vos flèches qui percent sa poitrine et déchirent son âme. Il transforme vos mots méchants en salves d'hilarité et pointes
d'esprit : son sort est d'alléger vos lourdeurs et d'embellir vos laideurs,
quitte à forcer le trait.
Mais qui en réalité fait l'âne ? Vous ou lui ? Cette question est votre
jeu, c'est également le sien.
Vous vous moquez de ses difformités, vous les hôtes choisis des châteaux en
fête et théâtres aux décors de rêve... Et lui vous chante, l'air de rien, ses
couplets de farces et de sanglots salués par vos chapeaux d'opportuns.
Ses bosses et misères enchanteront vos souvenirs de fortunés, soulageront vos soucis de seigneurs et apaiseront vos mauvaises humeurs
de rois.
Il est votre bouffon démantibulé, votre saltimbanque rompu, votre drôle de
bête, votre tête de turc à grelots.
Enrichir vos vies de dérisions, les combler d'ironie, vous dilater la rate,
vous faire penser à autre chose, bref vous distraire depuis votre berceau
jusqu'à votre lit la mort, tel est son rôle.
Il a accepté le fardeau de vos légèretés, ayant choisi votre bonheur en
échange de son malheur. Il vous aime et vous bénit tous, certain de sa récompense au ciel.
Vous les hommes, lui Polichinelle.
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