Au nom de l'ordre et de la sécurité, les agents pénitentiaires peuvent
surgir à tout moment, sans prévenir, pour mettre le feu à mon coeur.
Et ainsi ajouter de l'ombre aux ténèbres.
Que je sois en plein rêve au milieu de la nuit ou en déprime aux pires heures de la
journée, ils débarquent avec fracas à la recherche de toute illégalité
dissimulée. Ils ne savent pas eux-mêmes ce qu'il vont découvrir exactement en
entrant dans l'intimité de mon antre : objets interdits, preuves de tentative
d'évasion, marques suspectes, détournement du matériel carcéral, utilisation
frauduleuse de certains éléments...
Mais ils ne trouvent pas la plus dérisoire peccadille, la plus infime
broutille prohibée, la plus minuscule miette de pain défendu dans ma geôle. Par
contre ils constatent l'immensité de mon désespoir, sentent l'ampleur de ma
peine et à travers mon regard de chien résigné perçoivent l'horizon infini de
mon calvaire.
Après avoir méthodiquement scruté, fouillé, sondé ce lieu de misère du sol
au plafond, des murs aux barreaux, sans oublier la fosse à déjections,
s'acharnant jusque dans les moindres recoins cachés, ils repartent les mains
systématiquement vides.
On dirait même qu'ils sont déçus de ne rien rapporter de leur chasse aux
trésors... Dans ces espaces déserts où ils pénètrent en vain, dans ces gouffres désolés de mes jours perdus qu'ils inspectent par précaution, au fond de mon dénuement de reclus à vie qu'ils explorent stérilement, quel pitoyable trophée
espèrent-ils donc dénicher ?
Je suis un trou enfermé dans un trou. Jamais je ne sortirai de cette prison, enchaîné de toutes parts, réduit à une existence pétrifiée, traînant déjà une tombe sous mes pieds, comment avec tant de plomb sur mes ailes pourrais-je m'envoler de cette cage gardée par des lions, moi le si frêle oiseau ?
Je suis condamné à rester cloué au même endroit, immobile sur ma croix de détenu.
Crucifié avec lenteur par le temps.
Pendant que les matons examinent ma cellule, pour ne pas donner tant d'importance à cette piètre affaire, je bois jusqu'à la dernière goutte la coupe de l'indifférence.
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